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THÈME  DE  CONGRÈS
L’aventure coloniale
( Entre politiques d’empire et marginalités )


Ce Congrès de la SIELEC est programmé pour Mai 2008.


 
Nota : Ce texte ne comporte que fort peu de noms d’écrivains : c’est à dessein. Ce sera à chacun et chacune de trouver des illustrations & documents venant s’articuler sur cette thématique centrale.
 
(1)     Un terme comme « aventurier » est volontiers entouré de connotations péjoratives, suggérant un personnage peu scrupuleux, plus préoccupé par les profits qu’il peut tirer de son aventure que de ses effets destructeurs. On voit alors se profiler à l’horizon l’ombre de la traite négrière mais aussi, plus récemment, la figure de Stanley et de quelques autres. Cela fait intégralement partie de ce thème.
 
(2)     Pourtant, l’aventure coloniale ne se limite pas à cet aspect de la question. Partir à la colonie, et tout particulièrement au XIX° siècle, c’est non seulement quitter une métropole où l’on se sent trop à l’étroit et comme étouffé dans ses désirs, mais c’est aussi aller au devant de quelque chose qu’on ne connaît pas encore (littérature des voyages). C’est surtout tenter de réaliser dans un Ailleurs ce que l’on ne parvient pas à faire Ici. De la sorte, la colonie est devenue le lieu de tous les rêves, voire les plus fous, ou les plus illusoires, sans tenir véritablement compte de la façon dont ils pourraient être accueillis par l’Autre.
   Il s’agira donc pour nous de retrouver la trace de tous ces rêves coloniaux au niveau des discours alors en vogue, qu’il s’agisse de la sphère du religieux, et plus tard d’autres idéologies telles que le positivisme ou le néo-darwinisme, ainsi que l’idéal laïque et républicain dans le cas de la francophonie. Comment ils s’insèrent dans le discours littéraire. De cette façon, il faut s’attendre à retrouver tous les partenaires de cette vaste entreprise : le missionnaire, le militaire, l’administrateur colonial, l’idéologue, le commerçant, le planteur, l’ingénieur, etc… , qui apparaissent si souvent dans ces littératures et se font les porte-parole d’une cause.
 
(3)     Ce rêve et tous les espoirs qu’il entretient vont, c’est ce que l’on pense à cette époque, participer à la création d’un nouveau type d’humanité : l’homme colonial (sorte d’équivalent d’un autre rêve avorté, celui de l’Homo Sovieticus), que l’on retrouve dans le monde de l’anglophonie dans le personnage du Gentleman. Nouvel aristocrate, nouveau leader, imbu de son avance technologique qu’il brandit en toutes occasions, il s’est fixé pour vocation de « pacifier » l’Autre en lui apportant les lumières de notre civilisation. Certains n’hésitent plus (Kipling) à se faire les chantres de ce renouveau. On retrouve des figures équivalentes dans la francophonie, au travers de héros de la colonisation, qu’il s’agisse de missionnaires ou de militaires.
   Nous sommes donc dans une sorte de conformité par rapport à des politiques d’empire, puisque l’aventure se conforme à des normes, même si l’aventurier n’en a pas nécessairement une conscience bien nette.
 
(4)     On pourra alors constater que peu à peu, c’est l’inverse qui va se produire, et que nombre d’écrivains se mettent à dénoncer les aspects profondément destructeurs de cette aventure. Un contre-discours se met en place. L’émergence des littératures du Tiers Monde, au lendemain des indépendances, va venir renforcer cette tendance par les descriptions de cette aventure qu’elles nous proposent à leur tour. Il serait intéressant de les consulter, de leur donner la parole. Mais il faudra prendre garde, en ce qui concerne la dénonciation du rêve colonial, à ne pas nous répéter, si l’on se souvient qu’il en était fortement question lors de notre dernier congrès (« Désillusion & désenchantement »). Enfin, des écrivains transportent cette aventure dans un ailleurs, en une exploration de soi, en une forme de voyage intérieur, qui conteste fortement les normes établies. Nous serions donc dans des formes de marginalité.
 
(5)     Autre thème : cette aventure coloniale provoque également un bouleversement des représentations de la femme. Elles n’hésitent plus, en effet, à s’y lancer, bousculant ainsi nombre de préjugés (de Eberhardt à Blixen), et venant ainsi confirmer une promotion de leur cause. Elles aussi, elles pensent qu’elles peuvent se réaliser à la colonie, y accomplir des choses qui leur sont comme interdites en métropole, et prouver aux hommes qu’elles peuvent faire cela aussi bien qu’eux.
 
(6)     Il y a plus. Tout au long de cette aventure coloniale, et surtout au XIX° siècle, l’on voit l’Europe se défaire et se débarrasser de ses scories sociales : prolétaires et paysans chassés par la paupérisation (USA, Canada, etc…), victimes des persécutions religieuses qui souhaitent réaliser ailleurs un rêve qui leur est refusé dans leurs métropoles d’origine (ainsi au lendemain de la révocation de l’édit de Nantes), prostituées déportées en Australie et ailleurs, anciens communards relégués en Algérie. Il y a lieu de se demander si toutes ces populations ainsi déplacées ont effectivement participé à ce rêve colonial, ou si elles n’en ont été que des victimes passives. Par ailleurs, sont-elles représentées (alors qu’elles ont fini par représenter une majorité) dans les littératures qui nous concernent ?  Ceci reviendrait à s’interroger sur le fonction de ces productions : reflètent-elles une réalité, ou ne seraient-elles qu’une activité onirique destinée à la masquer, en faisant silence sur ces dynamiques sociales, pour encourager, consciemment ou non, d’autres vocations ? Peut-on parler d’une duplicité du rêve colonial, d’un autre type de conformité ?
 
(7)     On s’attardera enfin sur les aspects proprement esthétiques de la description, de la restitution de cette aventure, qu’il s’agisse du développement prodigieux des récits de voyages et d’explorations, du roman d’aventures, du roman exotique, du roman de mœurs à visées ethnologiques, ou de la littérature prétendument enfantine. Ce rêve provoque aussi une interrogation sur soi-même, donnant naissance à des journaux personnels et à des récits introspectifs. Les milieux rencontrés finissent par modifier sensiblement les écritures et les styles, ce que l’on retrouve également dans le monde de l’architecture (V.& A. Museum de Londres, Musée des Colonies de Paris), ou dans celui de la peinture, de Delacroix à Gauguin ou Matisse. Dans bien des cas, l’aventure coloniale a fini par déteindre sur nos perceptions du monde, et à les modifier en profondeur.
 
(8)  D’autre part, nous n’oublierons pas de consacrer une séance entière  à l’un des aspects les plus passionnants de cette aventure, l’aventure intellectuelle et savante, qui vit s’édifier des œuvres qui marqueront la science moderne, soit dans un cadre institutionnel, à la faveur de missions de reconnaissance dont le but avoué était de favoriser la pénétration impériale, soit à travers des destinées plus marginales que motivait puissamment la découverte de « terres inconnues » et de civilisations lointaines. Des grands explorateurs sahariens à Burton, Frobenius et Marcel Griaule, des missions militaires de reconnaissance (Charles de Foucault) aux entreprises plus individuelles et indépendantes (Odette du Puigaudeau) s’ouvre au chercheur un vaste domaine où science, poésie, observation, esthétique, géopolitique sont souvent étroitement mêlées.
 
(9)    Dernier point. La plupart d’entre nous ont vécu une expérience de coopération. Nous ne sommes plus, il est vrai, dans la phase de l’aventure coloniale. Et pourtant… pourquoi n’abordons-nous jamais ce vécu qui a été le nôtre ?  


 

 

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