Des blancs en perte d’identité en Afrique coloniale-2

Des Blancs en perte d'identité en Afrique coloniale [ 2/7 ]

Mon intérêt porte particulièrement sur un Dire qui s’est attaché à retracer l’instabilité émotive d’un vécu et dont les personnages décrits ont en commun d'être inventés à partir de l’expérience personnelle de leurs auteurs. Ce sont les romans de Robert Delavignette[7] et de Robert Randau[8], tous deux administrateurs coloniaux, Paul Vigné d’Octon[9], un médecin militaire colonial, Joseph Conrad[10], Claude Farrère[11] et Pierre Loti[12], romanciers coloniaux connus, l’œuvre autobiographique de Georges Toqué[13], un administrateur colonial, ainsi qu’un récit historique et une documentation succincte sur le capitaine Voulet[14].

Les œuvres mettent en scène des coloniaux qui, soucieux de l’idéal colonial, sont chargés d'organiser en pleine brousse des écoles et des dispensaires; construire ou réparer les routes; bâtir des marchés; jeter des ponts; surveiller les cultures; appliquer la justice; suivre la marche des travaux ainsi que leur exécution; créer des débouchés à la petite entreprise; ramasser l'impôt et pacifier le pays.

Or, une fois dans le pays, la méconnaissance des données intrinsèques des lieux et des gens les confrontent (émotionnellement) à des obstacles imprévus, voire même insoupçonnés et parfois insurmontables, dans l’exécution de leurs tâches. Selon Toqué, «l'impôt était difficile à percevoir dans ce pays inconnu, où les européens n'avaient ni le temps ni les moyens de circuler»[15], où Argent et Impôt n’étaient que d’effroyables casse-tête pour les indigènes et où État et Administration étaient dénudés de toute signification dans les grandes forêts équatoriales du début du siècle. De même les machines, «Orgueil de la Nation»[16], importées aux colonies infligeaient au pays «le superflu»[17] et détournaient «du nécessaire»[18].

[7] Delavignette, Robert, (sous le pseud de Louis Faivre), Toum, Grasset, Paris, 1926.
Delavignette, Robert, Les paysans noirs, Stock, Paris, 1931.
[8] Randau, Robert, À l'ombre de mon baobab, Monde Nouveau, Paris, 1923.
Randau, Robert, Des blancs dans la cité des noirs, Albin Michel, Paris, 1935.
Randau, Robert, Le chef des porte-plume, Le Monde Nouveau, Paris, 1922.
Randau, Robert, Les explorateurs, Albin Michel, Paris, 1929. (1^èreédition, Sansot, Paris, 1909).
Randau, Robert, Les meneurs d'hommes, Albin Michel, Paris, 1931.
[9]Vigné d'Octon Paul, Chair noire, Lemerre, Paris, 1889.
Vigné d'Octon, Paul, Aux pays des fétiches, Lemerre, Paris, 1890.
[10] Conrad, Joseph, Heart of Darkness, 1899; trad. fr. de Jean-Jacques Mayoux, Au coeur des ténèbres, Flammarion, Paris, 1989.
[11] Farrère, Claude, Les civilisés, Ollendorf, Paris, 1906.
[12] Loti, Pierre, «Le mariage de Loti», in Figures et choses qui passaient, Calmann-Lévy, Paris, 1898.
Loti, Pierre, «Trois journées de guerre en Annam», Figures et choses qui passaient, Calmann-Lévy, Paris, 1898.
[13] Toqué, Georges, Les massacres du Congo, L'Harmattan, Paris, 1889. (1^ère édition, Librairie Mondiale, 1907).
[14] Janvier, Jacques, «Autour des missions Voulet-Chanoine en Afrique occidentale», Présence africaine, XXII, oct-nov. 1958.
Joalland, Général, Le drame de Dankori, mission Voulet-Chanoine, mission Joalland-Meynier, Argot, 1930.
Rolland, Jacques-Francis, Le grand capitaine, Grasset, Paris, 1976.
Vigné d'Octon, Paul, La gloire du sabre, Quinquette, Paris, 1984. (1^èreédition Flammarion, Paris, 1900).
[15] Toqué, Georges, op. cit., p. 39.
[16] Delavignette, Robert, op. cit., 1926, p. 263.
[17] Ibid.
[18] Ibid.