Etat des recherches en littérature anglophone [ 2/2 ]
Jean Sévry , Université Montpellier III
Par contre, en Angleterre, après les indépendances, ce
travail du deuil est escorté et largement diffusé par les
médias. Charles Allen, un journaliste, recueille les
témoignages d’anciens coloniaux qui égrènent
leurs souvenirs : enthousiasmes, interrogations, suivies du grand
chagrin du départ. Tout ceci sera publié avec un vif
succès, de Plain Tales from the Raj (Indes) en 1975, à
Tales from the Dark Continent (Afrique) en 1979. Je n’en vois pas
d’équivalent en France. Quant à la critique
savante, elle va rapidement prendre le relai. Quelques ouvrages majeurs
sur ce sujet : The Africa that Never Was, Four Centuries of British
Writing about Africa de D.Hammond et A.Jablow en 1970 ; The Empire
Writes Back, de B.Ashcroft, G.Griffiths et H.Tiffin en 1989. Les
sociétés savantes (Commonwealth Studies) et les
publications se sont multipliées en Angleterre, dans le
Commonwealth et aux USA, tout autant qu’un vaste débat sur
ce que l’on intitule « Post Colonial Studies », en
termes de « Deconstruction » ou de « Gender ».
Les historiens feront de même, au travers de débats
très animés, de Cain & Hopkins à N.Ferguson
Il en a été de même du côté africain,
car avec l’émergence de ces nouvelles littératures,
les anciens colonisés ont jeté un regard neuf sur les
productions coloniales, de Kipling à Forster, de Conrad à
Cary, de Greene à Maugham, d’Orwell à Blixen, de
Haggard à E.Huxley. C’est ainsi que l’œuvre
romanesque de Chinua Achebe constitue par bien des aspects une
réponse aux portraits du Nègre brossés par Joyce
Cary. Il faut encore citer de nombreux essais d’auteurs
africains, tels que Home & Exile de Lewis Nkosi (Afrique du Sud,
1965), Homecoming de Ngugi wa Thiong’o (Kenya, 1972), The
African Image de E.Mphahlele (Afrique du Sud, 1974), ou enfin
l’étude de A.K.Appiah (In my Father’s House, 1992).
Qui ne se souvient des livres d’Edward Saïd ou de Jan
Mohammed ?
Ainsi,
c’est bien de regards croisés qu’il s’agit, et
de toute évidence, la recherche a avancé plus que dans le
monde de la francophonie, sans doute pour les raisons
évoquées plus haut. Il me semble que nous avons beaucoup
à apprendre dans ce domaine, et que notre association a tout
intérêt à se tourner vers l’anglophonie.
Pour en savoir plus, vous reporter à :
J.Sévry (ed.), Regards sur les littératures
coloniales, Tome III, Afrique anglophone & lusophone,
Paris, L’Harmattan, 1999