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Introduction à une réédition de Gaspard Théodore Mollien,
Voyage dans l’intérieur de l’Afrique,
aux sources du Sénégal et de la Gambie, fait en 1818[1]

(extraits).

   
« On ne trace jamais avec plus de vérité le tableau d’un pays qu’en rendant compte de la manière dont on a été affecté chaque jour en le traversant. »
Gaspard Théodore Mollien,
Voyage dans la république de Colombia en 1823[2]
 
   L’exploration entièrement désintéressée, c’est-à-dire la découverte pour la découverte ou la recherche à l’état pur, est un phénomène rarissime sinon inexistant. Il serait faux, cependant, de supposer, comme le font certains partisans des études postcoloniales, que tout explorateur est nécessairement un colonisateur. Nous reviendrons sur l’idée que « l’exploration était loin d’être un pré-requis [sic] au partage colonial[3] », mais dès le début nous pouvons affirmer, avec Francis Arzalier, dans le cas de Mollien, que « tout au plus, peut-on parler de repérage des circuits commerciaux, permettant un développement de la traite vers l’intérieur du continent[4] ». C’est ainsi, nous semble-t-il, qu’il faut entendre une phrase omise des éditions procurées par Louis Ravaisson-Mollien en 1889 et par Hubert Deschamps en 1967 : « La fertilité du territoire qui environne Rufisque, l’abondance de la pêche dans les mers qui l’avoisinent, le grand nombre de ses habitants, en font un point assez important pour un établissement colonial » (p. 15 de notre réédition).
   La littérature des voyages constitue un vaste ensemble dont les premiers jalons, posés dès les âges biblique et classique, n’étaient déjà pas que des voyages pittoresques dans la mesure où ils cherchaient à étendre les frontières du monde connu et partant du savoir, prélude sans doute au pouvoir, mais pas forcément à celui, personnel, du voyageur. Les premières explorations ne revêtaient pas le caractère ouvertement intéressé des voyages entrepris à des fins commerciales ou bien commandités par un État, une société savante ou une instance religieuse. Elles se distinguaient aussi des voyages en fauteuil, fantaisistes, fantastiques ou extraordinaires, qui répondaient à l’attente de l’imagination du lecteur autant médiéval que moderne. La tendance à la compilation et au plagiat en matière de récits de voyages se maintiendra jusqu’au 18° siècle : on songe à l’Histoire générale des voyages (1746-59) de l’abbé Prévost, calquée en grande partie sur la New General Collection of Voyages and Travels (1743-46) de John Green. L’engouement du public crée un phénomène de mode qui permet des entorses à la véracité comme à la vérité.
Plus les communications devenaient faciles et fréquentes à travers le monde, moins on prenait des vessies pour des lanternes et moins on admettait les lubies qui passaient pour être scientifiques jusque dans les encyclopédies en apparence les plus sérieuses. En ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest, l’établissement des comptoirs dès le 17° siècle et les voyages de plus en plus nombreux des marchands, souvent de chair humaine, jusqu’à l’abolition en France (du moins officielle) de la traite en 1815, incitaient aventuriers et explorateurs à pénétrer au-delà des ports et des côtes. Leurs buts variaient autant que leurs capacités et leur succès. [...]
   Que ce soit sous l’égide d’une société de géographie, dont la première à être fondée était celle de Paris, en 1821, ou d’une instance commerciale, étatique, religieuse ou militaire, les voyages de reconnaissance territoriale se doublaient de plus en plus ouvertement d’un intérêt économique et politique. Cette tendance ne fera qu’accroître au cours du 19° siècle pour être définitivement entérinée et se montrer au grand jour à partir des années 1870 et du second grand mouvement de la colonisation française.
   C’est dans cette longue tradition des récits de voyage, et bien tributaire de la mentalité de son époque, que s’inscrit – et je lui redonne ici intégralement son titre original – Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, aux sources du Sénégal et de la Gambie, fait en 1818, par ordre du gouvernement français de Gaspard Théodore Mollien. Les rééditions, remaniée, de 1889 et, partielle, de 1967, en arborant des titres différents, font disparaître ces derniers mots, mais le texte lui-même n’occulte nullement le caractère officiel de l’expédition : le gouverneur du Sénégal, M. de Fleuriau, répond favorablement à la demande de Mollien tout en ajoutant au projet initial, en contrepartie de l’aide matérielle de l’État, très limitée d’ailleurs, une dimension intéressée. Certes, le plan original, dont nous n’avons plus la trace, ne devait pas en être exempt, vu la mentalité de l’explorateur telle que nous pouvons la déduire à partir de ses écrits postérieurs et de ce que nous savons de sa formation.

Gaspard Théodore Mollien avant 1818

   Né à Paris le 29 août 1796 dans un milieu bourgeois[5], il aurait fait, selon Deschamps (p. [7]), « de bonnes études classiques ». La lecture de Robinson Crusoé, nous confie son neveu, Louis Ravaisson-Mollien, bibliothécaire à la Mazarine, lui aurait inspiré le goût des voyages. On l’imagine bien, comme l’enfant que décrit Baudelaire dans le dernier poème des Fleurs du Mal, « amoureux de cartes et d’estampes ». Ravaisson-Mollien poursuit en ajoutant l’opinion suivante, nourrie sans doute des récits de famille :  
Doué d’une rare intelligence et de la volonté la plus énergique, naturellement curieux et observateur, esprit original, prompt à saisir entre les choses des rapports qui échappaient à beaucoup d’autres, comme en fournissent maintes preuves et la correspondance qu’il a entretenue pendant de longues années avec sa famille et ses amis et les notes dont il a couvertes les cartes qu’il a laissées, notes relatives surtout à l’histoire naturelle, aux langues ou à la statistique, instruit d’ailleurs par une vaste lecture, mais plein du désir d’accroître par des voyages de découvertes les connaissances acquises, il était fait pour rendre de grands services à la géographie[6i].
   La mort de son père, Antoine, employé aux relations extérieures, l’incite à s’établir et il est reçu « dans l’administration de la marine le 10 septembre 1814 en qualité de commis de première classe […]. Par suite des événements politiques [effondrement de l’Empire, invasion de la France, restauration de la royauté avec Louis XVIII] il ne put partir que le 8 mai 1816 pour le Sénégal[7] ». Voyage fatidique s’il en fut : il devait se trouver à bord de la Méduse.
   Au cours des guerres napoléoniennes, les forces britanniques s’étaient emparées une dernière fois du Sénégal, c’est-à-dire des comptoirs de Saint-Louis et de Gorée. En effet, elles avaient envahi Saint-Louis de 1758 à 1779 et de 1809 à 1816, alors que Gorée connut des dominations britanniques de 1758 à 1763, de 1779 à 1783 et de 1800 à 1817[8]. Suivant les termes des traités de Paris (1814) et de Vienne (1815), cependant, les Anglais acceptaient en principe de rendre ces comptoirs définitivement à la France. La fin officielle de la traite des esclaves – en 1807 en Grande-Bretagne, en 1815 en France – prêtait à cet apparent désintéressement un caractère plutôt creux. Le peu d’enthousiasme pour ce nouvel arrangement se traduisit d’ailleurs en juillet 1816 par un refus de la part des autorités britanniques de retenir plus de trois jours à Saint-Louis les rescapés du célèbre naufrage. Elles les repoussaient vers un promontoire malsain et quasi désert en face de Gorée : la presqu’île du cap Vert. L’endroit en question ne deviendrait qu’en 1857 la ville de Dakar, puis en 1904 la capitale de l’A.O.F. et enfin celle de la République du Sénégal à partir de 1958[9].
   Revenu de ses frayeurs, Mollien rentre en France en 1817 pour un congé qu’il abrège, semble-t-il, afin de s’en donner de nouvelles en poursuivant son projet de « visiter l’intérieur de l’Afrique occidentale » (p. 3). Remettant son plan au gouverneur M. de Fleuriau, remplaçant par intérim du colonel Julien Désiré Schmaltz, ce pleutre fini d’après le témoignage de sa conaufragée, Charlotte Picard[10] (opinion partagée d’ailleurs par Corréard et Savigny qui le condamnent presque autant que l’incompétent capitaine Hugues Duroy de Chaumareys), Mollien trouve auprès de lui la réponse favorable que n’avait pu lui octroyer le ministère à Paris.

Explorations de l’Afrique occidentale

   L’exploration de la côte occidentale de l’Afrique était surtout entreprise par les Portugais au quinzième siècle sous l’impulsion du prince Henri le navigateur (1394-1460). |...] Ce qu’on a tendance à oublier ou à ignorer en Occident, c’est que les Chinois étaient arrivés en sens inverse sur la côte ouest de l’Afrique dès 1421. En effet, les grands navigateurs Hong Bao, Zhou Man et Zhou Wen, commandités par l’empereur Zhu Di, avaient suivi la côté orientale de l’Afrique, puis doublé le cap et remonté jusqu’aux îles du cap Vert avant de poursuivre leurs voyages à travers l’Atlantique et plus loin[11].
   L’établissement à Gorée, en 1617, par les Hollandais, d’un comptoir commercial, répondait à la traite transatlantique des Noirs qui avait été lancée au seizième siècle pour remplacer les indigènes du nouveau monde dont Bartolomé de Las Casas avait eu pitié[12]. À la quête d’un gain commercial honorable succédait une avidité qui, si elle cherchait à se justifier, pliait à ses éventuelles velléités d’autojustification des arguments bibliques, légaux, biologiques, moraux ou sociologiques.
   Dans un premier temps, les comptoirs de la côte suffisaient aux besoins des marchands : les Africains des régions côtières faisaient le reste, voyant leur intérêt dans un commerce avec les Européens qui ne faisait que prolonger celui qu’ils avaient longtemps pratiqué avec les Arabes. À force de faire des rafles ou carrément la guerre chez leurs voisins de l’intérieur, ils ajoutaient à la vente de leurs esclaves existants celle des prisonniers qu’ils avaient pris ailleurs. Les négriers n’avaient qu’à attendre tranquillement sur leurs bâtiments l’arrivée de leur marchandise.
   Un processus analogue d’aventure et d’exploration faisant place à l’exploitation eut lieu à l’intérieur des terres. Le goût du voyage, relevé chez certains du piment même des dangers qu’il pouvait comporter, incitait quelques rares individus à partir vers l’inconnu. Ils recueillaient souvent des informations premières importantes. Motivés par des pulsions scientifiques désintéressées, les premiers explorateurs attitrés avaient quand même conscience, si ce n’était qu’en matières premières, des possibilités d’exploitation des pays qu’ils découvraient au nom des puissances ou des instances européennes. Les informations géographiques, géologiques, minéralogiques, ethnographiques, zoologiques, botaniques, linguistiques qu’ils rapportaient, s’ils parvenaient à rentrer chez eux, ne pouvaient manquer de passionner les savants de leur pays. La connaissance de plus en plus précise des rivières et des sources, des montagnes et des cols, des saisons et des sols, des hommes et de leurs pratiques, serait précieuse pour les bailleurs de fond à un degré souvent insoupçonné par les explorateurs, voire inattendu par les commanditaires eux-mêmes.
   Mais la rivalité jouait, du moins sous la surface. Entre Français et Britanniques surtout, au début du dix-neuvième siècle, rivalité qui serait exacerbée à outrance vers la fin de ce même siècle. Planter le drapeau quelque part équivalait – équivaut encore de nos jours, comme l’ont récemment prouvé les Russes sous le pôle Nord – au marquage d’un territoire par une bête. Cette pratique puante est à vrai dire plus loyale chez les bêtes en ce sens qu’elles s’assurent à l’avance que les lieux sont inhabités. Mais la propriété d’autrui était censée alors ne concerner que les sociétés « policées », « civilisées » : dans l’esprit du Blanc, le sauvage lui était tellement inférieur qu’il ne méritait aucune considération. L’Église et la nouvelle science de la craniométrie confortaient ce dédain général aux retombées encore néfastes dans le monde moderne, mais que Mollien ne partageait pas.
   Les mots exploration, Afrique, et dix-neuvième siècle vont ensemble dans l’esprit de l’historien des voyages. Mais quels sont les noms rattachés à cette aventure ? Pour se limiter à la seule Afrique occidentale, après Mungo Park (1771-1806), lui-même parti pour découvrir les raisons du mystérieux décès en 1791 de l’Irlandais Daniel Houghton qui recherchait le Niger à partir de la Gambie, on retient surtout ceux d’explorateurs postérieurs à Mollien. [...]
   Des raisons d’État limitèrent certes les efforts pendant les guerres napoléoniennes, mais la maladie emporta aussi bon nombre de vaillants explorateurs. Quelques incursions sans lendemain s’effectuent au tournant du siècle. En 1794, les marchands anglais Watt et Winterbottom atteignent Timbo, qui sera l’étape la plus méridionale du voyage de Mollien, à qui nous laissons le soin de le raconter par le menu, tant son récit est vivant. [...]
  De nombreux militaires – on pense à Faidherbe au Sénégal, à Gallieni au Soudan – portaient déjà haut l’étendard de la France en Afrique. Mais la volonté grandissante de compenser la perte humiliante de l’Alsace-Lorraine en 1870 donnait une nouvelle impulsion à cet effort. La germanophobie était certes grande, mais l’anglophobie l’était à peine moins : contre une Grande-Bretagne qui n’était pas intervenue pour aider la France en des temps difficiles, il fallait imaginer et créer une Plus Grande France, comparatif dont le comparé, parfaitement entendu, demeure inexprimé. Le moment était venu où exploration, exploitation et colonisation avançaient de conserve. La prise de contact des premières années du siècle s’était muée en une prise de pouvoir. Le premier ministre, Jules Ferry, se fit, surtout pendant son second mandat en 1883-85, le champion d’un mouvement colonisateur que cristallisa la conférence de Berlin de 1884-85. La décision prise par les puissances européennes de partager l’Afrique sans trop s’entre-déchirer, même au profit personnel du roi des Belges, Léopold II, donna le feu vert à la consolidation des gains territoriaux. Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905) arriva à point nommé ainsi que d’autres explorateurs français de renom.
   Les Africains eux-mêmes n’étaient pas consultés.

« Ohé les gars, nous sommes découverts ! »

   C’est dans un tout autre contexte que le spirituel Georges Perec prête ces mots à un indigène d’Amérique à l’arrivée de Christophe Colomb[13]. Ils nous font sérieusement réfléchir à ce que nous entendons par la « découverte » d’un territoire, et cette réflexion n’épouse un important aspect du discours postcolonial que pour en prendre ses distances.
   Les vastes espaces blancs sur la carte d’Afrique dressée par Ptolémée au deuxième siècle et encore largement accréditée au début du dix-neuvième, renforçaient l’impression d’un continent inexploré, voire inhabité. Même les cartes chinoises du 15°siècle, certes inconnues en Occident mais d’une remarquable exactitude, ne montraient que les côtes. Pour meubler les espaces vides, des caravelles décoraient les mers et des monstres les terres. Le tracé pour la plupart hypothétique des rivières lézardait le continent. Petit à petit les morceaux du puzzle se mettaient en place[14]. Les voyageurs qui ne faisaient que passer – et parfois trépasser – avaient des contacts superficiels avec les habitants et les voyaient d’un bon ou d’un mauvais œil selon leur accueil. Les marchands installés sur la côte fréquentaient les gens du coin, mais ne s’y intéressaient pas en dehors du commerce. Les premiers missionnaires, se fixant autant, faisaient ainsi la connaissance des indigènes, mais une vue d’ensemble leur échappait autant qu’une réelle compétence ethnographique. Nachtigal serait l’un des premiers, dans les années 1870, à avoir de sérieuses capacités scientifiques et à étudier à fond quelques ethnies du Tchad. La carte ne serait complétée qu’après la colonisation et les études ethnographiques se poursuivraient au cours du vingtième siècle… et se poursuivent encore.
   La fausse équation entre « terres inconnues » et « terre vide et vierge » souvent faite par les autorités européennes ne résistait pas à la rencontre réelle entre tel explorateur et tel peuple. La sensibilité d’un Mollien, parti, tout comme Park, sans compagnon de route européen, admettait parfaitement l’existence de l’autre. Pour le meilleur comme pour le pire, il y était en effet confronté tous les jours. Rencontrant la plus grande méfiance et la plus généreuse hospitalité, il doit s’adapter, subir, agir en fonction des circonstances. Chemin faisant, il reconnaît de puissantes organisations sociales et des systèmes religieux dont il dépend en grande partie et qui imposent le respect. Tout le long de son parcours, il est amené à tenir compte non seulement du climat et de la nature du terrain qu’il traverse, mais aussi des gens qu’il rencontre et qui lui prêtent leur aide ou lui cherchent noise. Pour blanches que soient les cartes, pour désertiques que soient parfois les espaces entre les villages, une autre civilisation se révèle, avec ses valeurs propres. Avec le recul que lui permettent le rétablissement de sa santé et la rédaction de son récit, Mollien reconnaît que  
le temps qui s’est écoulé entre mon retour et le jour où je me suis occupé de rédiger mon Voyage, m’a été bien nécessaire pour ne point le composer sous l’influence d’impressions défavorables, mais souvent fausses, que m’avait causées le caractère tracassier des nègres. En effet, rendu à une vie plus calme, j’ai pesé le pour et le contre de leur conduite à mon égard, et j’ai reconnu qu’ils étaient en général moins cruels et plus éclairés qu’on ne les croit communément en France. (p. 4)
   Si jamais Mollien, jeune homme de vingt-deux ans entreprenant, voire téméraire, était parti avec une idée de supériorité européenne, force lui était de reconnaître sa dépendance et partant son interdépendance par rapport aux sociétés qu’il découvre et qui le découvrent. On l’intercepte, on le retient, on lui impose des taxes ; il n’est plus maître de ses déplacements : on le lui fait savoir sans ambages : « Si tu es maître sur l’eau, tu ne l’es pas sur terre » (p. 104). Tributaire du bon vouloir des souverains dont il cherche à traverser le territoire, il s’affronte à leur générosité, à leurs refus, à leurs caprices, à leur absence parfois. Il fait souvent face à une savante hiérarchie de fonctionnaires ou d’autorités religieuses qui protègent le chef et lui permettent à l’occasion de s’esquiver, phénomène parfaitement connu en Europe, même si les formes sont différentes. Lui-même est obligé de cacher son jeu, terriblement suspect aux yeux des indigènes, pour arriver aux sources des rivières tant recherchées.
Isabelle Surun, à qui le présent développement doit beaucoup, est l’un des rares critiques à s’être sérieusement penchés sur le voyage de Mollien en Afrique. Elle nous rappelle bien que  
les voyageurs apprennent vite que le droit de passage dont ils doivent s’acquitter s’inscrit dans une séquence d’échanges qui exige d’eux qu’ils viennent se présenter au chef de l’État, en faisant au besoin un détour par sa capitale, qu’ils répondent à ses questions sur le but de leur voyage et gagnent sa confiance par des présents personnalisés et par un dialogue approfondi, séquence qui mêle l’acceptation formelle de l’autorité par un geste symbolique, et un échange plus personnel, qui peut même prendre un tour affectif au moment du départ du voyageur[15].
   La science de l’ethnologie nous en dit long sur le principe de l’échange dans toutes les communautés du monde : le voici à l’œuvre, subi autant que recherché par Mollien.
   Le sauf-conduit octroyé par le chef, valable dans les territoires qu’il gouverne, doit être accompagné d’une lettre de recommandation adressée au chef de l’État voisin si la frontière va être dépassée. Gare au voyageur si les États se disputent ! Il découvre de la sorte  
une Afrique couverte d’entités politiques, stables ou instables, qui parfois se chevauchent, se concurrencent ou entrent en conflit, mais avec lesquelles il faut toujours compter. Non seulement les voyageurs ne trouvent nulle part des espaces en déshérence, ouverts au libre parcours du chemin, mais ils doivent s’adresser directement au plus haut niveau de l’autorité politique et se soumettre à une confrontation directe qui est aussi un examen de leur personne[16].
  Mollien est ainsi amené à nuancer sa conception d’une société policée, qui est le terme reconnu pour indiquer la « civilisation » telle que l’admet l’Europe :  
Dans les divers pays dont se compose l’intérieur de l’Afrique, il n’existe pas de police organisée, mais chaque particulier l’exerce ; car partout on demande au voyageur son nom, celui de sa famille et le lieu de sa naissance : c’est le salut d’usage ; n’y point répondre, c’est s’exposer à des soupçons qui pourraient compromettre la liberté. (p. 81)  
   À un autre moment de son récit, il tombe en extase devant la politesse hospitalière des gens :
De jeunes filles que je rencontrai se voilèrent la tête et me présentèrent avec timidité, les unes des bananes, les autres du lait. Je ne savais si je rêvais ; ces dons, la beauté du site, le respect que les habitants me témoignaient, me firent croire, pendant quelque temps, que tout ce que je voyais était une illusion que mon imagination seule avait créée. Comment supposer, en effet, que dans un village de l’intérieur de l’Afrique je rencontrerais tant d’urbanité et de politesse ! (p. 195)  
   Jusqu’à nos jours, le salut cérémonieux des Africains non occidentalisés est le passeport qui établit la relation entre les deux partis. Le statut de Mollien exigeait quelques explications insolites. Voyageur sans être marchand, blanc et partant « nazaréen », c’est-à-dire chrétien suspect aux yeux des musulmans surtout, sa situation n’était pas toujours confortable. Son récit fournit tous les cas de figure qu’on peut imaginer parmi les réactions des autochtones et celles-ci infléchissent « le parcours du voyageur dans sa durée, ses rythmes, et même son tracé, elles autorisent ou interdisent certains aspects de la collecte d’informations et ont par conséquent un impact direct sur les résultats de l’enquête[17] ». Tout nous invite en effet, ainsi que le précise Isabelle Surun pour nuancer considérablement les arguments d’Edward Said, « à considérer l’exploration comme une construction conjointe des deux sociétés qui entrent en interaction à travers la personne de l’explorateur, celle d’où il vient et celle qui l’accueille pendant son voyage, et non plus comme une production unilatérale et exclusive des sociétés européennes[18] ».
   Le fait qu’Isabelle Surun s’appuie surtout sur la réédition partielle du Voyage procurée par Deschamps en 1967[19] voile peut-être un peu trop les visées colonisatrices que Mollien envisage, non pour lui-même personnellement, mais pour une France future. Dans le chapitre II de l’édition de 1822, que Deschamps résume en sept lignes (pp. 35-36), nous lisons par exemple :  
Mon voyage à Podor m’avait tout à fait convaincu des avantages que pouvait un jour procurer la colonisation de la Sénégambie, si l’on se bornait à cultiver le coton, l’indigo et diverses céréales qui croissent en abondance dans cette contrée, et surtout si l’on ne s’éloignait pas des bords du fleuve, dont les terres, périodiquement inondées, sont beaucoup plus productives et plus à portée que celles de l’intérieur d’être protégées contre les ravages des Maures. Mais je n’envisageai pas sans effroi toutes les difficultés que des Européens auraient à surmonter pour s’y établir. Les événements ont justifié mes craintes. En effet, le climat et les habitants inquiéteront continuellement les colons qui voudront se fixer dans les pays des Peuls. Ces nègres mahométans sont trop éclairés pour ne pas nous craindre, trop fanatiques pour ne pas nous haïr, trop forts pour ne pas lutter longtemps contre des garnisons affaiblies par les maladies. Je suis loin pourtant de croire que l’on doive renoncer entièrement aux projets formés il y a deux ans sur la Sénégambie : ceux qu’on avait d’abord tracés l’avaient été, peut-être, trop rapidement ; mais c’eût été une grande faute de les abandonner ; aussi n’a-t-elle pas été commise : on a laissé au temps le soin de les améliorer et d’en assurer plus tard le succès. (pp. 25-26)
 
Cet établissement [Podor toujours] serait un point d’une grande importance pour nous, parce qu’il défendrait l’escale des Braknas, et protégerait un pays dont on peut former une magnifique colonie agricole, sans être forcé de remonter jusqu’à Galam. (p. 23)  
 
  Dans cette même région, le mil croît en abondance et, en en mâchant une tige pour se désaltérer, Mollien fut « tout surpris d’en exprimer une liqueur aussi sucrée que celle de la canne de nos colonies. Peut-être l’industrie en tirera-t-elle un jour des avantages bien plus précieux que ceux que la betterave a produits en France » (p. 20). Les grandes exploitations agricoles autour de Richard Toll, à mi-chemin entre Saint-Louis et Podor, donnent raison à la vision de notre explorateur.

  L’excursion que fait Mollien sur le Sénégal avant d’entreprendre son grand parcours vers les sources de ce fleuve et de la Gambie semble refléter son professionnalisme et les circonstances de son arrivée à Saint-Louis. Le réinvestissement du comptoir après l’occupation britannique et les consignes officielles données au gouverneur Schmaltz incitent ce dernier à songer à de nouveaux établissements profitables à son pays et à encourager ceux qui l’entourent à faire de même :  
Le gouverneur du Sénégal, peu satisfait d’administrer un pays sans commerce comme sans culture, et auquel on pouvait aisément rendre ces deux branches de prospérité publique, était allé, dans le courant du mois de mai 1817, visiter les terres qui avoisinent le fort de Podor. Son opinion sur les avantages qu’un établissement colonial pouvait procurer, opinion dont il n’avait fait mystère à personne, m’inspira le désir d’aller examiner par moi-même une contrée qu’il vantait comme très fertile, et propre à calmer les regrets que causait à la France la perte de Saint-Domingue. (p. 17)
  Dans les derniers paragraphes de ce même chapitre II, absent des éditions de Ravaisson-Mollien et de Deschamps, mais qu’on lira ci-dessous, Mollien va jusqu’à envisager certains aspects pratiques de la colonisation, anticipant même sur l’idée de Faidherbe de former des bataillons de tirailleurs noirs sur le modèle russe ou indien, sur la promotion de Noirs du Nouveau Monde pour « leur cacher la main qui les protège[20] », enfin sur l’emploi en somme politique de missionnaires.  
Alors seulement on pourrait voir se former un nouveau Paraguay sur les bords du Sénégal. La charité, n’en doutons point, est le seul langage qui soit à la portée des nègres, et le seul capable de commander leur admiration. D’ailleurs l’expérience nous prouve qu’on civilise les peuples barbares par des bienfaits ou par la fermeté appuyée sur la force et la victoire, mais bien rarement par des raisonnements abstraits que leur ignorance ne peut comprendre. (p. 27)
  S’il est vrai que Mollien a d’autres préoccupations lors de son épuisant périple majeur, elles demeurent en réserve dans son esprit et affleurent assez souvent pour que nous devions en tenir compte. S’il n’est pas lui-même colonisateur, il n’est pas non plus, au nom de sa patrie, entièrement désintéressé.
 
  « L’univers est égal à son vaste appétit » : Mollien après 1818

   À la fin de son grand voyage, arrivé à la côte plus mort que vif, Mollien rentre d’abord au Sénégal pour atteindre Paris en mars 1819. Il n’a pas encore vingt-trois ans. Selon son neveu, qui paraît broyer du noir afin de donner plus d’éclat aux hauts faits de l’oncle, « les dangers de toutes sortes, les perfidies des nègres, la fatigue causée par un climat brûlant, rien n’avait pu abattre son courage et son zèle pour la science[21] ». Fêté dans les milieux savants et dans les salons, il publie l’année suivante le récit de ses aventures et son succès est tel que des traductions en allemand et en anglais paraissent la même année. Une édition revue, celle que nous reprenons, est publiée en 1822.
   Atteint du virus du voyage, Mollien demande une mutation aux Affaires étrangères qu’il n’obtiendra qu’en 1824. C’est l’année de la publication de son Voyage dans la république de Colombia en 1823, car il entreprend en attendant un voyage instructif en Amérique du Sud et tient à raconter les débuts de la toute jeune république colombienne, libérée de la tutelle espagnole en 1819. Cette volonté de tenir toujours un carnet de route et de rédiger ensuite ses récits est une aubaine pour nous : s’il n’avait pas laissé de trace de ses voyages et séjours à l’étranger, il n’aurait pas été possible de prendre toute sa mesure.
Nommé consul à Haïti en 1828, où il reste jusqu’en 1831, il y remplit « la charge de ministre plénipotentiaire pour faire exécuter la liquidation des sommes […] dues en indemnité par Saint-Domingue[22] » en faveur des colons dépossédés. L’iniquité de cette dette nous saute aujourd’hui aux yeux, puisque les colons avaient commencé par déposséder et exterminer les indigènes de l’île avant d’importer des millions d’esclaves africains dans les conditions inhumaines que l’on sait. Mais Mollien, suivant fidèlement les consignes des gouvernements de Charles X puis de Louis-Philippe, ne voyait pas la situation du même œil, même s’il reconnaissait la disproportion entre l’immensité de la somme requise et la faiblesse des revenus haïtiens. Léon-François Hoffmann rappelle les effets à long terme de l’endettement haïtien :  
Après qu’une escadre française fut venue croiser au large des côtes haïtiennes pour persuader les récalcitrants, les deux parties s’entendirent : en plus d’avantages commerciaux consentis à la France, l’indemnité fut fixée à 150 millions de francs (et ramenée à 60 millions en 1838). Pour s’en acquitter, les Haïtiens se virent forcés d’emprunter aux banques françaises des sommes importantes, dont le remboursement greva longtemps les finances du pays[23]. […] L’indemnité fut intégralement payée en 1888 : Haïti ne finit de s’acquitter des emprunts qu’en 1938[24].
  À genoux depuis son indépendance, Haïti avait – a toujours – du mal à se redresser.
   Les remarquables témoignages de Mollien sur son séjour en Haïti, restés longtemps inédits, ont récemment vu le jour[25] Retrouvera-t-on un jour le récit de son séjour à Cuba entre 1831 et 1848, année de sa brusque mise à la retraite par la deuxième République qui ne devait guère apprécier son penchant royaliste ? Ainsi que l’exprime joliment Hubert Deschamps, « il n’a que cinquante-deux ans, et le démon de la curiosité ambulatoire le reprend de plus belle[26] ». Libre enfin d’y sacrifier, il visite l’Égypte, laissant des notes inédites, puis part pour l’Inde en 1856, l’un de ses frères y étant installé depuis une trentaine d’années, et fait escale à Ceylan, le Sri Lanka de nos jours. « Il passa de là en Chine, et de ces deux derniers voyages il a laissé une relation abondante en détails piquants, qui, encore inédite, se trouve à la bibliothèque de Calais[27]. » Ce qui était vrai en 1889, quand Ravaisson-Mollien écrivit cette phrase, l’est toujours en 2007 : la Bibliothèque municipale de Calais conserve encore des manuscrits de Mollien, mais souvent illisibles et/ou dans un triste état matériel. Quant à l’auteur, il s’éteint à Nice le 28 juin 1872.
   Par bonheur, ce qui nous est parvenu témoigne d’un esprit empreint des valeurs des Lumières tant par sa passion d’une observation exacte que par la précision de son langage. Si émotion il y a, les états d’âme et la sensiblerie romantiques sont absents, et c’est d’autant plus émouvant pour le lecteur d’aujourd’hui. Il est grand temps qu’on découvre ou qu’on redécouvre Mollien, explorateur exceptionnel, pionnier à plusieurs égards, témoin irremplaçable.  

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Œuvres de Mollien 

Éditions de notre texte 

Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, aux sources du Sénégal et de la Gambie, fait en 1818, par ordre du gouvernement français, 2 t. in 8°, Paris : Imp. Veuve Courcier, 1820 ; 2e édition, avec gravures et carte, Paris : Arthus Bertrand, 1822

Découverte des sources du Sénégal et de la Gambie en 1818, précédée d’un récit inédit du Naufrage de la Méduse et d’une Notice sur l’auteur par L. Ravaisson-Mollien, Paris : Delagrave, 1889

L’Afrique occidentale en 1818 vue par un explorateur français Gaspard Théodore Mollien, présentation de Hubert Deschamps, réédition partielle, Paris : Calmann-Lévy, 1967

Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, aux sources du Sénégal et de la Gambie, fait en 1818, coll. Autrement Mêmes n° 41, Paris : L’Harmattan, 2007

Autres textes édités de Mollien 

Haïti ou Saint-Domingue, présentation de Francis Arzalier avec la collaboration de David Alliot et de Roger Little, 2 t., coll. Autrement Mêmes 26, Paris : L’Harmattan, 2006

Mœurs d’Haïti : texte inédit, précédé du Naufrage de la Méduse, présentation de Francis Arzalier avec la collaboration de David Alliot et de Roger Little, coll. Autrement Mêmes 27, Paris : L’Harmattan, 2006

Voyage dans la République de Colombia en 1823, 2 t. in 8°, Paris : Arthus Bertrand, 1824 ; 2e édition 1825

Texte inédit 

Voyage dans l’Inde, B. M. de Calais, Ms n° 95

Autres ouvrages 

Anonymes, Gorée : guide de l’île et du musée historique, Gorée : Musée historique, 1993

Dard, Charlotte, La Chaumière africaine, ou Histoire d’une famille française jetée sur la côte occidentale de l’Afrique à la suite du naufrage de la frégate « La Méduse », présentation de Doris Y. Kadish, coll. Autrement Mêmes 15, Paris : L’Harmattan, 2005

Hibbert, Christopher, Africa Explored : Europeans in the Dark Continent, 1769-1889, Londres : Allen Lane, 1982 ; Harmondsworth : Penguin, 1984

Hoffmann, Léon-François, avec la collaboration de Carl Hermann Middelanis, Faustin Soulouque d’Haïti dans l’histoire et la littérature, coll. Autrement Mêmes 40, Paris : L’Harmattan, 2007

Hugon, Anne, L’Afrique des explorateurs : vers les sources du Nil, coll. Découvertes 117, Paris : Gallimard, 1991

―, ―, Vers Tombouctou : l’Afrique des explorateurs II, coll. Découvertes 216, Paris : Gallimard, 1994

La Guérivière, Jean de, Exploration de l’Afrique noire, Paris : Éditions du Chêne, 2002

Lejeune, Dominique, Les Sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au XIXe siècle, Paris : Albin Michel, 1993

McLynn, Frank, Hearts of Darkness : the European Exploration of Africa, Londres : Hutchinson, 1992

Menzies, Gavin, 1421 : The Year China Discovered the World, Londres : Bantam, 2002 ; trad. Julie Sauvage, 1421 : l’année où la Chine a découvert le monde, Paris : Éditions Intervalles, 2007 (voir le site www.1421.tv)

Surun, Isabelle, « L’exploration de l’Afrique au XIXe siècle: une histoire pré-coloniale au regard des postcolonial studies », Revue d’histoire du XIXe siècle, 2006 : http://rh19.revues.org/ document1089.html

―, ―, « Le blanc de la carte : matrice de nouvelles représentations des espaces africains », in Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), Combler les blancs de la carte, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2004, pp. 117-144

Notes 


[1] Coll. Autrement Mêmes n° 41, Paris : L’Harmattan, 2007, xxviiii + 283 pp. Extraits repris ici avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
[2] On trouvera dans notre Bibliographie sélective les détails des ouvrages cités ; lorsqu’ils sont donnés en note, c’est que l’ouvrage en question reste en marge de nos préoccupations et ne figure donc pas dans la bibliographie.
[3] Isabelle Surun, « L’exploration de l’Afrique au XIXe siècle… », p. 14 sur 17 de la version électronique.
[4] Francis Arzalier, in Mollien, Haïti ou Saint-Domingue, t. 1, p. xi.
[5] Francis Arzalier donne de plus amples renseignements sur sa famille dans son édition de Mollien, Haïti ou Saint-Domingue, t. 1, p. viii.
[6] L. Ravaisson-Mollien, in Mollien, Découverte des sources du Sénégal…, p. 8.
[7] Note manuscrite conservée aux Archives des Affaires étrangères à Paris, citée par Fr. Arzalier dans son Introduction à Mollien, Haïti ou Saint-Domingue, t. 1, pp. viii-ix.
[8] Ces dates sont précisées dans Gorée : guide de l’île et du musée historique, p. 60. La toute dernière est suspecte (comme plusieurs autres dans ce guide) : dans son récit du naufrage, Mollien évoque l’arrivée dans la rade de Gorée en décembre 1816 de deux gabarres françaises qui « venaient prendre possession de nos colonies de l’Afrique occidentale ».
[9] Voir Mollien, « Le Naufrage de la Méduse », in Découverte des sources du Sénégal…, pp. 19-55, repr. in Mollien, Mœurs d’Haïti, pp. 1-31. Ce naufrage a donné lieu à une littérature abondante, à commencer par le récit d’Alexandre Corréard et Jean-Baptiste Savigny (1818). Le fameux tableau de Géricault demeure en la matière une référence incontournable.
[10] Voir p. ex. Charlotte Dard, née Picard, La Chaumière africaine, pp. 29-30 : « M. le gouverneur du Sénégal qui n’était occupé que de se sauver, se faisait descendre mollement dans un fauteuil, d’où il arriva par une ascension inverse au grand canot, où se trouvaient déjà plusieurs grandes caisses, toutes sortes de provisions, ses plus chers amis, sa fille et son épouse. » Voir aussi p. 26 : « M. Schmaltz jura solennellement de ne point abandonner ceux qui voudraient s’embarquer sur le radeau, et promit une seconde fois, que toutes les embarcations le remorqueraient jusqu’à la côte du désert, où tout le monde devait se réunir en caravane. […] nous ne pouvions pas supposer, qu’il voulût nous tromper, en agissant d’une manière contraire à ses promesses. »
[11] Gavin Menzies nous a récemment révélé parmi d’autres ces remarquables voyages chinois : voir son 1421.
[12] C’est un bon sentiment, en effet, qui a provoqué le plus grand des maux. Voir Bartolomé de Las Casas, Très brève relation de la destruction des Indes [1552], Paris : La Découverte, 1994.
[13] Georges Perec, Espèces d’espaces, Paris : Galilée, 1974, p. 102.
[14] Pour une fine analyse de l’évolution des cartes africaines, voir Isabelle Surun, « Le blanc de la carte… ».
[15] Isabelle Surun, « L’exploration de l’Afrique au XIXe siècle… », p. 8.
[16] Ibid., pp. 9-10.
[17] Ibid., p. 13.
[18] Ibid.
[19] Deschamps s’explique du moins très clairement (p. 27) sur ses coupures, alors que Ravaisson-Mollien modifie le texte sans commentaire.
[20] On sait que cela deviendra pratique courante au 20e siècle, les noms de Félix Éboué et de René Maran étant sans doute les plus connus, mais la France s’est plutôt brûlé les doigts dans le second cas.
[21] Ravaisson-Mollien, in Mollien, Découverte des sources du Sénégal…, p. 10.
[22] Ibid., p. 16.
[23] Sur cette question, voir François Blancpain, Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922), Paris : L’Harmattan, 2001, pp. 63-78.
[24] Léon-François Hoffmann, Faustin Soulouque d’Haïti, pp. 25-26.
[25] Haïti ou Saint-Domingue et Mœurs d’Haïti ont tous deux été publiés en 2006.
[26] Deschamps, in Mollien, L’Afrique occidentale en 1818, p. 26.
[27] Ravaisson-Mollien, in Mollien, Découverte des sources du Sénégal…, p. 17.
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