Katherine Roussos
Personne
ne mériterait mieux le titre d’explorateur qu’Odette
du Puigaudeau. Cette bretonne d’origine traversa à
pied et à dos de chameau plus de 18 000 kilomètres
d’une des régions les moins hospitalières du monde,
partageant la vie des nomades pendant des années, tout en
effectuant des recherches archéologiques, botaniques et
ethnographiques. Autodidacte, avec peu de moyens et aucun soutien
officiel, elle embarque en 1933 sur un langoustier breton à
destination de la Mauritanie. Elle n’habitera plus en
France sans rêver de regagner l’Afrique, de sorte
qu’elle s’installera définitivement au Maroc en
1961. Dessinatrice scientifique, journaliste, animatrice
d’émissions culturelles et historiques à la radio,
archéologue responsable de musée... ses activités
professionnelles sont aussi variées que ses engagements
politiques, allant de la Résistance jusqu’au mouvement
pour le rattachement de la Mauritanie au Maroc, en passant par des
convictions écologistes. Elle a entrepris une thèse
d’ethnologie, qu’elle considérait comme sa plus
grande œuvre, mais qui, jamais soutenue, ne sera
éditée qu’en 2002.
Comme son prédécesseur Isabelle Eberhardt , Odette
critiqua la modernisation et parfois le colonialisme, lorsque celui-ci
allait à l’encontre de ses convictions. De nature
idéalistes, ennuyées par la vie sédentaire de
l’Occident, ces aventurières écrivent sur le sable
le roman de leur vie, traduit dans un langage direct et urgent, dans
l’espoir d’un retour vers des valeurs simples et
humanisantes. Cette grande liberté, paradoxalement
facilitée par le colonialisme, était peu envisageable en
Europe, surtout pour des femmes. Comme pour tous les
idéalistes, le désenchantement ne leur fut pas
étranger. Tandis qu’Eberhardt le combat par sa
dévotion soufie, Odette se jette dans les turbulences du monde,
qu’elle commente avec une franchise entremêlée
d’ironie et de satire subtiles.