
DOMINIQUE RANAIVOSON
Chroniques de Madagascar
Ed. Sépia-
Collection : Sépia Poche
ISBN 284280113X
Présentation de
l'éditeur
Douze auteurs malgaches écrivent en français sur ceux qui
font Madagascar aujourd'hui. Ces textes, pour la plupart inédits, brefs,
incisifs, attendris, drôles, parfois grinçants ou dramatiques, aideront le
lecteur francophone à rencontrer les bourgeois des collines, l'enfant des rues,
le pêcheur immigré, les villageois de la côte, les natifs des forêts. Ce
recueil invite à un périple lointain par des mots connus avec une émotion qui
dissipe toutes distances.
Douze
fois Madagascar en un recueil de nouvelles
Article publié dans le quotidien malgache"Les Nouvelles" lors de la parution du livre
Une quarantaine
d'années séparent les douze auteurs de Chroniques de Madagascar. Mais ils
parlent bien tous, avec poésie, tendresse et âpreté, du même pays que certains
d'entre eux ont choisi de quitter - sans l'oublier.
Si la vie littéraire semble, chez
nous, se limiter aux écrivains de langue malgache – encore que beaucoup
d'entre eux pratiquent deux langues –, une vitalité souterraine produit une
littérature en français. La faible activité
éditoriale sur le territoire national ne permet pas d'en avoir
conscience et il faut des initiatives personnelles pour donner, de temps à
autre, un coup de projecteur sur des auteurs discrets malgré eux.
Liliane
Ramarosoa l'avait fait il y a une dizaine d'années avec son
Anthologie de la
littérature malgache d'ex-pression française
des années 80 (L'Harmattan, 1994). Dominique
Ranaivoson prend le relais en publiant douze nouvelles dans Chroniques
de Madagascar. Le choix
du genre paraissait aller de soi, si
l'on considère que les deux entreprises
appartiennent à la même lignée, celle d'une mise au
jour de textes qui, sans la publication, existent à peine.
«Liliane Ramarosoa», écrit Dominique Ranaivoson dans
sa préface, «estimait en 1991 que 7a nouvelle
représentait 45 % de la production littéraire
francophone" en avouant que la quantité totale des textes
était difficile
à connaître, la majorité de ceux-ci restant
malheureusement inédits.»
En voici quelques-uns sauvés des tiroirs où
la plupart prenaient la poussière. Rares sont ceux qui avaient déjà été
publiés auparavant – ils étaient, de toute manière, devenus
introuvables – et ils sont peu nombreux à avoir été écrits
ces derniers mois.
L'ouvrage s'ouvre sur une
méditation poétique, plutôt qu'une nouvelle, d'Esther Nirina. Il se
ferme sur l'affolement d'une jeune Malgache débarquant aux Etats-Unis
sans trouver à l'aéroport la personne qui devait l'attendre. C'est le premier
texte publié de Mialy Andriamananjara. Mais on n'avait jamais lu
non plus ces pages-là d'Esther Nirina...
Entre les deux, les auteurs sont
sagement rangés selon leur ordre d'arrivée en
scène dans l'existence et toute la palette
de la vie malgache, ici ou à l'étranger, est mise en
scène. Une histoire de mort et d'injustice par Charlotte
Rafenomanjato. La mémoire d'un lieu par Serge-Henri Rodin. La
survie dans la pauvreté,
comme une guérilla urbaine, par Bao Ralambomanana. Le
contraste entre
la modernité et la tradition à Mayotte, par David
Jaomanoro.
L'eau trop rare et le poids des légendes qui l'entourent,
par Hery Mahavanona.
La mort de la grand-mère, au premier cocorico, par Narcisse
Randriamirado. Le rêve impossible d'un monde
meilleur et la chute, par Jean-Claude
Fota. Le kéré dans le sud et son
cortège de malheurs, par Lila Ratsifandriahamanana. La
déforestation... et les ONG, par Johary
Ravaloson. Le retour d'un mort qui ne l'était pas mais
mérite de le
devenir, par Railovy.
Plusieurs de ces nouvelles auraient
besoin d'un long commentaire. Car certaines témoignent d'un véritable talent
qui mériterait bien d'être pris en charge par un éditeur et d'amorcer
ainsi une oeuvre. Car on devine, derrière ces
bouteilles lancées à la mer – pour certains, ce n'est pas la
première –, une volonté de poursuivre. Ils sont plu-sieurs à
préparer un recueil ou un roman, ici ou ailleurs.
On ne
sait s'il faut s'en réjouir ou le déplorer : les quatre plus jeunes auteurs
de ce recueil collectif vivent à l'étranger. On ne peut, en tout cas,
s'empêcher d'y voir un signe, le prolongement de la carrière que font aujourd'hui
à Paris une Michèle Rakotoson ou un Jean-Luc Raharimanana. De la même
manière que Dominique Ranaivoson en formule le vœu , on espère que plusieurs de
ces écrivains suivront le chemin, sinon d el’exil , au moins de la
reconnaissance au sein de la littérature francophone.
Il faut aussi , et surtout, saluer la
détermination de Dominique Ranaivoson qui apporte une importante contribution à
la diffusion de la culture malgache. Elle avait , l’an dernier, publié l’indispensable
« Iza moa » chez Tsipika , ouvrage qui vient d’être repris par Sépia
en coédition avec la maison malgache sous un titre français. En publiant, chez
le même éditeur, Chroniques de Madagascar , elle fait mieux que doubler la
mise.
Pierre Maury