Ce désenchantement a conduit aussi nombre
d’écrivains à revisiter la période coloniale. C’est le cas par exemple de la
chronique que Tchicaya U Tam’si a consacrée à l’histoire du Moyen Congo depuis
1880 : Les cancrelats (1980), Les méduses ou les orties de mer (1982), Les
phalènes (1984) et Ces fruits si doux de l’arbre à pain (1987). Ou, encore, des
œuvres de Hampâté Bâ : le récit L’étrange destin de Wangrin, ou les roueries
d’un interprète africain (1973) ainsi que les deux volumes de l’autobiographie,
Amkoullel l’enfant peul (1991) et Oui mon Commandant (1994).
Ce
retour sur la période coloniale, opéré
bien des années après l’indépendance, ouvre
la réflexion sur deux problèmes.
D’un côté, il invite à se demander si cette
époque doit être considérée comme un
moment révolu de l’histoire de l’Afrique. De
l’autre, notamment parce qu’elle
met en scène des Africains qui ont été, au rang
qui leur était assigné, des
acteurs du système colonial, cette plongée dans
l’histoire coloniale invite à
se demander si l’ on a affaire dans ce cas à un
passé honteux, un “ passé qui ne passe pas ” pour reprendre
l’expression d’Eric Conan et Henri Rousso à propos de la mémoire de Vichy.
Parallèlement, il convient de tenir compte de
l’évolution de l’historiographie concernant la période coloniale, que ce soit
chez des historiens européens ou chez des historiens africains. Ainsi, Girardet
a montré comment la décolonisation s’était opérée tout autant dans l’espace
colonial que dans l’espace métropolitain. Jacques Marseille, en proposant une
approche économique du fait colonial, a tracé un bilan qui met notamment en
lumière le caractère archaïque de l’économie coloniale et le handicap qu’a pu
représenter cette forme de protectionnisme pour l’industrie métropolitaine. De
son côté, Achille Membe a souligné le caractère peu opératoire de l’opposition
souvent postulée jusqu’alors entre résistance et collaboration pour
caractériser les attitudes des acteurs africains.