Jean Arrouye
Ce sont donc les traces de la réalité martiniquaise dans Fort-de-France
que nous allons observer. Les descriptions concernent principalement deux
domaines : la topographie et les moeurs. Cependant les notations topographiques
sont de deux sortes : certaines, généralement brèves, désignent des lieux-dits
; elles n'ont d'autre fonction que de localisation, d'attestation que Gilbert
Vauquelin est bien à la Martinique. D'autres, généralement plus longues,
descriptions de paysage, ont une fonction de caractérisation ; elles instituent
la couleur locale, parent le roman d'exotisme, comme le font par ailleurs les
descriptions des usages locaux. De sorte que, fonctionnellement, il est plus
juste de distinguer, d'une part, les traces apparemment insignifiantes (car,
que Gilbert Vauquelin soit passé ici où là ou qu’il ait fait telle rencontre là
ou ailleurs est sans conséquence sur la nature et les enjeux de l’histoire),
traces d'une connaissance précise du romancier de la disposition et de la
dénomination des lieux — fruit d'un voyage sur place, Pierre Benoit
utilisant romanesquement, comme Joseph Kessel, ses souvenirs de déplacements
réels, ou d'une utilisation adroite, comme faisait Jean Giono, des indications
d'un guide ? — et, d'autre part, des traces significatives d'une volonté
de caractériser comme autre la réalité locale — de changer en quelque
sorte le lecteur en exote au sens de Victor Segalen —, traces d'une
connaissance générale de la géographie tropicale et des moeurs insulaires et
d'une volonté de singulariser l'univers décrit dans Fort-de-France.