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René Euloge entre tradition berbère et modernité coloniale    [1/8] 
Gérard Chalaye , Université de Rennes
                              
 "Vous avez cru nous apporter la lumière mais en réalité, vous désirez nous  entraîner, avec vous, dans votre
 nuit !"    
                                                                                     

Cimes et hautes vallées du Grand Atlas p. 56
 
 
   Jean-François Durand affirmait, en 1999, à propos de René Euloge, écrivain berbérophone, instituteur à Demnat, dans l’Atlas méridional marocain, en 1923, qu’il « n’eut aucun mal à passer de la peinture de l’autre à la pleine reconnaissance d’autrui, y compris à travers les figures de dissidents berbères dont il admira les convictions et le courage »[1] . C’est sur les mots "n’eut aucun mal" que nous voudrions revenir, ici, pour mettre, au contraire, en lumière l’extrême complexité des propos d’un auteur déchiré entre la tradition berbère et la "modernité coloniale". Dans sa longue carrière qui s’étend de 1919 à 1963, il est nécessaire de donner une date de référence à notre problématique : nous choisissons la date de 1928 après la guerre du Rif et juste avant le Dahir berbère de 1930, même si nombre de textes cités sont antérieurs ou postérieurs. Insistons sur le fait qu’il s’agit d’une photographie à un moment donné. L’auteur n’aurait certainement pas dit la même chose en 1963 qu’en 1928…                                           

I - LA  CONNAISSANCE  DU  "TERRAIN"
 
     Laissons ici de côté, "l’amour fou", la passion absolue qu’Euloge a éprouvés pour les habitants du haut pays berbère marocain et qui ont, récemment, fait l’objet d’une étude monographique[2]. Constatons, plutôt, qu’il est, d’abord, un homme de terrain dans tous les sens du terme. Euloge est, avant tout, quelqu’un qui travaille, avec les outils et les matériaux que lui procure le réel, en faisant preuve d’un anti-idéalisme absolu. Il n’est, au départ, comme le définit Maurice Le Glay, « qu’un ouvrier colonial » [3]accomplissant, le mieux possible, sa tâche, jour après jour. « Prenons garde au mirage et au bluff marocains »[4], déclare-t-il.
       L’instituteur, héros de la nouvelle Le Serment a répertorié sur un carnet qui pourrait bien appartenir à l’auteur, un certain nombre de remarques ethnographiques dont le réalisme brutal est la constatation objective de la violence d’une situation dont il est l’un des acteurs. Ces notations, criantes de vérité, dépeignent, uniquement, la position d’un fonctionnaire français dans le Haut-Atlas en 1928 : « Un Européen qui s’installe chez les Chleuhs ne doit jamais oublier que ses moindres faits et gestes sont épiés et interprétés favorablement ou non selon maintes circonstances »[5]. Euloge dévoile les équilibres réalisés par l’administration du Protectorat et leur fonctionnement avec tous les travers ainsi créés. Il se présente comme un simple observateur de la crainte coloniale[6]. Hypocrisie et dissimulation sont le résultat des

NOTES 
[1]Jean-François Durand, Introduction à  Regards sur les littératures coloniales I, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 15
[2]Gérard Chalaye, René Euloge ou un destin dans la montagne berbère, in Regards sur les littératures coloniales II,  Jean-François Durand (éd.), L’Harmattan, Paris, 1999, p. 227
[3]Maurice Le Glay, cité dans  René Euloge, La Chkara, in Silhouettes du pays chleuh, éditions de la Tighermt, Bellegarde, imp. SADAG, Marrakech, 1951, p. 7
[4]René Euloge, Le Serment, in  Les Fils de l’ombre, Nancy-Paris-Strasbourg, éditions Berger-Levrault puis Charpentier, Paris, 1932, p. 128
[5]ibid., p. 124
[6]ibid., p. 122


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