C’est dire que cette littérature offre de l’Afrique une image diversifiée. Si la plupart des genres et des tons s’y trouvent représentés (épopée, lyrisme, comédie, satire, comique troupier, pantomime, conte philosophique, utopie, politique-fiction, technothriller, etc.), elle n’en laisse pas moins une large place au roman à thèse et au discours de propagande (implicite ou assumé), dans la mesure où elle vise, à l’exception de rares fictions anticolonialistes, à légitimer à la politique coloniale française. L’esclavage, les sacrifices humains et l’anthropophagie, thématiques privilégiées par les romanciers pour leurs ressources dramatiques, sont censés démontrer l’urgence de l’intervention militaire qui mènera vers la ‘civilisation’ ceux qui les pratiquent. Simultanément, ces thématiques répondent à deux grandes tendances esthétiques de la fin du XIXe siècle : elles traitent le corps humain avec le matérialisme physiologique de table de dissection qu’affectionnait un certain naturalisme ; elles flattent l’imaginaire décadent qui s’était entiché, dans la lignée de Baudelaire, de violences sacrilèges et d’un satanisme pervers dont le sorcier africain constituait une variante exotique. C’est dire que le roman d’aventures africaines, s’il sert à populariser un vaste savoir ethnologique formé pour l’essentiel de stéréotypes, constitue aussi un écran de projection ou un exutoire imaginaire pour la fantasmatique d’une époque.