À chaque type de héros correspondent des
scénarios types, dotés de leurs programmes narratifs et de leurs parcours
descriptifs propres, d’une gestion particulière de l’espace et de la durée
romanesques et, surtout, d’une image différente des Africains eux-mêmes.
Car s’il est vrai que l’immense majorité de ces romans
reposent sur des présupposés racialistes, selon lesquels il existe des
différences biologiques et une hiérarchie naturelle entre les races humaines et
les peuples qui les composent, chaque scénario modèle une image des Africains
en fonction de ses besoins romanesques particuliers. Le roman d’exploration les
traite en objets d’investigation ethnologique et laisse une large place à une
description des mœurs friande de sauvagerie. Le roman de prédation, qui
considère l’Afrique comme un terrain d’aventures, voit en eux des alliés
temporaires ou, le plus souvent, des adversaires à éliminer et verse dans une
violence raciste extrême (romans de L. Noir ou de L. Boussenard). Les romans de
conquête militarisent cette violence (qui peut aller jusqu’à l’extermination
génocidaire) en même temps que d’autres accordent aux Africains, souvent
fictivement, la considération minimale sans laquelle toute négociation est
impossible. Les romans de fondation, souvent paternalistes et moralisateurs,
les humanisent davantage du fait que colonisateurs et colonisés sont appelés à
vivre sinon ensemble, du moins côte à côte (romans d’E. Monteil, d’E.
Deschaumes ou d’A. Laurie).