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Présentation de la société
Les littératures de l'ere coloniale
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Le Feuilleton
populaire à la fin du xixe
siècle :
l’exemple de La
Vénus de Widah, de Louis Noir, 1893 [5 / 18 ]
Jean-Marie Seillan
Reportage,
histoire, document ethnologique, roman historique, épopée de tradition orale,
roman à thèse, texte de propagande : ce prière d’insérer allègue donc au
moins six identités génériques ou subgénériques différentes, sans prendre garde
aux incompatibilités criantes existant entre elles. On voit mal, en effet,
comment un genre narratif aussi concomitant à l’événement que le reportage
pourrait cohabiter avec l’histoire, puisque l’histoire, si on l’entend comme historia
rerum gestarum, récit des choses accomplies, c’est-à-dire achevées, suppose
un recul temporel vis-à-vis des événements et interdit que ceux-ci soient strictement
contemporains de leur consignation. A fortiori coexiste-t-elle mal avec
l’épopée, genre nourri et porté par une tradition orale qui exige, on le sait,
une longue durée historique pour se constituer et se diffuser. Et l’on comprend
moins encore comment cette prétendue épopée populaire africaine aurait pu
choisir pour héros un Français partisan du colonialisme dans une région, le
golfe de Guinée, qui avait précisément pris les armes pour repousser
l’intervention militaire française. Ajoutons une évidence : les divers
genres allégués par cette préface n’ont pas les mêmes supports éditoriaux (un
reportage paraîtra dans un quotidien, un ouvrage d’histoire en volume) ;
chacun d’eux prédétermine ses destinataires (le public visé par un récit légendaire
n’est pas celui d’un discours de propagande) et les invite à adopter une posture
de réception particulière (une épopée ne se lit pas comme un roman
d’aventures). Antagonismes criants dont Louis Noir paraît ne pas se préoccuper.
Nul doute
qu’un tel chaos de références conflictuelles n’interdise toute hybridation
générique effective. Placé devant cet objet hétéroclite, le lecteur est donc
fondé à penser que la catégorie du genre a perdu son pouvoir classificateur.
Mais c’est trop peu dire encore puisque La Vénus de Widah charrie
simultanément des discours non narratifs et non littéraires au point de mériter
le nom, peu littéraire il est vrai, de salmigondis.
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