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Le Feuilleton populaire à la fin du xixe siècle :
l’exemple de La Vénus de Widah, de Louis Noir, 1893         [4 / 18 ]
Jean-Marie Seillan                       

    La rédaction du reportage est déclarée d’une telle immédiateté que le narrateur, s’effaçant comme instance médiatrice, prétend même « laisser la parole au canon ». Simultanément, Louis Noir revendique le sérieux propre aux travaux de l’historien en s’engageant à raconter les faits « avec la plus scrupuleuse exactitude » et à les corroborer au moyen « de documents authentiques », en même temps qu’il se déclare ethnologue, une ligne du sous-titre, « Vie, mœurs et coutumes du peuple dahoméen »[1], ajoutant cette ambition à un programme déjà riche.
    Reportage, histoire ou étude ethnologique, du moins s’agit-il toujours d’un projet d’écriture référentielle. Mais d’autres affirmations tirent simultanément le récit annoncé vers le champ fictionnel. Le récit de la campagne militaire proprement dite, explique le préfacier, sera précédé par « le fameux épisode déjà légendaire, qui fut le prélude de nos querelles avec Béhanzin » et qui promet au lecteur des « aventures extraordinaires ». Cet épisode, au cours duquel le roi Béhanzin, personnage historique authentique, et le héros du roman se disputent une femme, nul doute qu’il ne soit fictif et qu’il ne se loge, suivant un usage romanesque bien établi, dans les interstices de l’Histoire officielle à laquelle il est censé servir de causalité secrète. Le lecteur se préparerait donc à lire un roman historique si ce même épisode n’était également annoncé comme une « merveilleuse épopée »[2] narrée par tous les griots de la côte occidentale de l’Afrique au moment même où le narrateur la consigne : comprenons que La Vénus de Widah se présente aussi comme la transcription de récits légendaires collectifs préexistant dans une littérature de tradition orale. Enfin, le préfacier ajoute qu’il fait en l’écrivant une « œuvre patriotique » à l’intention des « lecteurs français » : projet qui, cette fois, range le livre dans un sous-genre romanesque en faveur dans les années 1890 chez de grands romanciers comme Zola, Barrès ou Bourget, le roman à thèse, et qui annonce des insertions discursives propres aux textes de propagande politique.


 
[1] Noir n’en retient que les côtés sanglants et spectaculaires, en particulier la fête des grandes Coutumes par laquelle il commence son roman.
[2] L’adjectif merveilleuse a son sens plein puisque l’aventure, du moins sur son versant africain, est remplie de prodiges et baignée de surnaturel.
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