La Vénus de Widah, de Louis Noir 1893 /3

1. Le paratexte introductif

La Vénus de Widah (Widah est une ville du Dahomey, le Bénin actuel) s’ouvre par une longue page de titre à caractère ouvertement commercial[1] et une courte préface autographe destinées à définir son appartenance générique et à dessiner du même coup l’horizon d’attente du lecteur. Or c’est peu dire que cet affichage est placé sous le signe de l’hybridité puisque pas moins de six filiations génériques y sont alléguées.
Les premières sont référentielles et non-fictionnelles. Le livre est d’abord présenté comme un reportage fondé sur un témoignage direct. La page de titre promet au lecteur le « récit fidèle des événements actuels d’après les notes et documents du Capitaine X… faisant partie de l’expédition au Dahomey »[2] ; la préface souligne la double concomitance de l’acte d’écriture avec, d’une part, la publication (c’est un des traits du feuilleton, on le sait, que d’être publié par tranches à mesure que la rédaction progresse) et, d’autre part, avec les événements racontés, eux-mêmes en cours d’accomplissement sur la côte lointaine du golfe de Guinée :

Au moment où paraît l’œuvre que nous écrivons sur le Dahomey, explique Louis Noir, une poignée de soldats français est aux prises avec la terrible armée de Behanzin. (Nous soulignons.)

[1] On y lit : « Les deux premières livraisons sous couverture : 5 centimes – Prisonnières au Dahomey – La Vénus de Widah – Grand roman d’aventures et d’actualité par Louis Noir – Édition illustrée soignée – Le Mariage du Capitaine avec la belle Vénus de Widah. Le Temple de la Fécondité. Le Temple des Serpents – Les Féticheurs. Les Amazones, leur courage et leur cruauté. Guerre, combats. Vie, mœurs et coutumes du peuple dahoméen. – Récit fidèle des événements actuels d’après les notes et documents du capitaine X… faisant partie de l’expédition au Dahomey – Il paraît deux livraisons à dix centimes par semaine. Une série à 50 cent. tous les 18 jours. – Abonnement pour 6 séries, Franco : 3 francs. »

[2] Au terme de combats longs et meurtriers, les troupes françaises, conduites par le colonel (et futur général) Dodds, occupent Abomey, la capitale du roi Béhanzin, en novembre 1893. Béhanzin est arrêté en janvier 1894 et exilé en Martinique. Le Dahomey (actuel Bénin) est déclaré colonie française la même année.