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Préface  des Cahiers de la Sielec n° 4                                                   [3/11]

   Les articles "thématiques" sont beaucoup plus rares qui cherchent à suivre, au travers des différentes littératures, et en mettant en évidence les synchronismes, les avatars d'un même topos. Le champ qui s'ouvre au comparatisme est immense1.
 
 Notre démarche est dirigée dans trois directions qui prolongent cette dernière suggestion : 1) comparaison entre les différentes représentations de l'Inde dans une Europe en cours de formation, entre le XVIIIe et le XXe siècles ; 2) comparaison entre les représentations de l'Inde dans différents pays européens pendant cette même période ; 3) enfin, comparaison entre les représentations européennes de l'Inde et celles d'autres pays orientaux. Nous nous sommes ainsi demandés s'il y avait un imaginaire de l'Inde spécifiquement français qui se distinguerait, par exemple, de l'imaginaire anglais de l'Inde. Corollairement, il fallait également établir dans quelle mesure l'image de l'Orient indien avait elle-même une spécificité par rapport à celle qui est associée à l'Orient méditerranéen ou à l'Extrême-Orient. Il était nécessaire d'aborder très directement, comme l'ont fait plusieurs contributeurs de ce colloque, la question des liens entre histoire, géographie et littérature : en quoi la représentation de l'Inde diffère-t-elle, selon que l'on a affaire à un écrivain français ou à un écrivain anglais, de celle de tel ou tel pays oriental ayant ou non subi la colonisation ? Observe-t-on une évolution des représentations, selon que l'on se place à l'époque de la mainmise coloniale des pays d'Europe sur l'Inde, ou après la seconde guerre mondiale qui voit se multiplier les accessions à l'indépendance ?
   Ces questionnements animent en particulier deux ouvrages importants d'Edward W. Saïd, Orientalism (1978)2 et Culture and Imperialism (1994)3. C'est surtout dans le second livre que Saïd fait intervenir l'Inde, notamment dans un chapitre intitulé « Les plaisirs de l'impérialisme ». Il cherche à montrer que, malgré la double appartenance culturelle de Kipling (qui vécut ses premières années  et une partie de sa jeunesse en Inde, mais qui écrivit presque toute son oeuvre en Angleterre), l'auteur de Kim s'inscrit dans un contexte colonial et que son roman en est fatalement le produit, que ce soit en trahissant le rapport de dominant à dominé qui fonde la relation entre l'Angleterre et l'Inde aux XIXe et XXe siècles, ou au contraire en refoulant, dans une fiction idéalisante, le conflit et le sentiment d'injustice résultant de cette situation coloniale réelle4'.

1 Denys Lombard, « La littérature exotique comme miroir nécessaire », Rêver l'Asie. Exotisme et littérature coloniale aux Indes, en Indochine et en Insulinde, op. cit., note 10, p. 14.  
2 Trad. fr. par Catherine Malamoud, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Paris, Seuil, 1980 ; cet ouvrage a été réédité en 1997 avec une postface d'Edward W. Saïd ; dernière réédition française en date, toujours au Seuil : octobre 2005.
3 Trad. fr. par Paul Chemla, Paris, Fayard / Le Monde diplomatique, 2000.  
4 « Oui, Kipling peut entrer dans la peau des autres avec une certaine sympathie. Mais jamais il n'oublie que Kim fait irrécusablement partie de l'Inde britannique : le Grand Jeu continue et Kim y participe, malgré toutes les paraboles que peut imaginer le lama. 1...]. Si le conflit entre l'engagement de Kim au service du colonialisme et sa loyauté vis-à-vis de ses compagnons indiens n'est pas tranché, ce n'est pas parce que Kipling ne pouvait pas le regarder en face, mais parce que pour lui il n'y avait pas de conflit » (Edward W. Saïd, Culture et impérialisme, op. cit., p. 217-218;  souligné par l'auteur). 
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