L’Exploration de l’Afrique, une entreprise très littéraire [4/6]
Jean de la Guérivière
Un autre
Allemand, Oscar Lenz, assurera que « l’arrivée dans cette ville a, pour le
voyageur, la même importance que celle à Lhassa » (Tombouctou, voyage au
Maroc, au Sahara et au Soudan, 1886).
Au siècle
suivant, la magie des lieux opère chez les écrivains professionnels comme elle
a opéré chez les explorateurs. Paul Morand intitule Paris-Tombouctou (1929) le
récit d’une tournée africaine dans laquelle le Soudan français, où se trouve la
ville, n’occupe pourtant qu’une petite place. Avant lui, Pierre Benoit, dans
son célèbre roman L’Atlantide (1920), se réfère plusieurs fois aux divers
explorateurs (Barth, Gerhard Rohlfs, notamment) qui ont précédé la « mission
Morhange-Saint-Avit » dans la région. Avant de tomber dans les rets
d’Antinéa, Morhange et Saint-Avit, ses héros, voulaient apporter « la
démonstration qu’un lien a existé dans la plus haute antiquité entre le monde
méditerranéen et le pays des Noirs ». Ils partent donc « explorer »,
c’est le mot employé, une partie du Sahara ayant servi de trait d’union entre
ces deux univers. La jeune Tanit-Zerga, l’esclave d’Antinéa enlevée par les
Touaregs au Soudan, celle qui va aider le lieutenant de Saint-Avit à échapper à
la mangeuse d’hommes, n’a qu’une idée : revoir Gao, sa ville natale, voisine de
Tombouctou. Tanit-Zerga est une Sonrhaï, du nom du royaume évoqué naguère par
Barth. La route salvatrice sur laquelle elle entraîne l’officier français passe
par le chemin de Caillié. Si fort que soit le mythe de l’Atlantide, à la fin du
roman de Benoit, il est rattrapé par celui de Tombouctou ! C’est la Littérature
qui rattrape l’exploration.