L’Exploration de l’Afrique, une entreprise très littéraire [3/6]
Jean de la Guérivière
Les explorateurs
décrivirent des « naturels » divers, ceux qu’ils rencontraient sur leur
route, concédant au passage que « dans le nombre, se trouvent des individus
très beaux » (Stanley au bord du lac Victoria), mais ils ne s’attardaient
généralement pas, ils avançaient avec une idée précise : retrouver les
cannibales, les amazones ou les pygmées qui peuplaient l’imaginaire occidental
depuis l’Antiquité. L’Allemand Georg Schweinfurth mit toute son énergie à
découvrir les derniers survivants de la race naine dont la mythologie grecque
racontait les combats contre les grues. Quand un de ses accompagnateurs
africains capture enfin un Akka, d’une tribu pygmée, « étrange petit
créature dont la tête s’agite convulsivement et qui jette partout des regards
pleins d’effroi », Schweinfurth cède peu à la compassion. Il triomphe
plutôt : « J’ai enfin sous les yeux une incarnation vivante de ce mythe qui
date de milliers d’années » (Au cœur de l’Afrique. Voyages et découvertes
dans les régions inexplorées de l’Afrique centrale, 1875).
Premier des
grands récits d’exploration au sud du Sahara par un Français, le Journal d’un
voyage à Tombouctou de René Caillié (1830) est un bel exemple d’itinéraire
choisi au moins autant pour son atmosphère onirique que pour son intérêt
scientifique. Il y a un côté voyage initiatique dans la lente progression de
Caillié à partir de la Guinée, son arrivée devant la cité fabuleuse, puis son
retour par le Sahara.. Bien qu’il ait eu l’honnêteté d’exprimer sa relative
déception, Caillié ne découragea pas les vocations chez tous ceux que
fascinaient le point de rencontre des peuples arabo-berbères et noirs
africains, le centre du commerce caravanier où s’échangeaient l’or et les
esclaves. Après lui, l’Allemand Heinrich Barth pataugera longtemps dans les
marécages du fleuve Niger, ce qu’il appelle la « Nigritie », pour voir
enfin Tombouctou de ses propres yeux en 1853.