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Présentation de la société
Les littératures de l'ere coloniale
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Islam et occidentalisation dans l'autofiction d'Isabelle Eberhardt
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La volonté d'Eberhardt
est de « vivre libre, sans attaches, comme le vagabond mais aussi
comme l'écrivain libre d'inventer un monde»[1] Mais,
n'ayant pas d'attaches, elle s'attache à tour
avec des sentiments aussi forts qu'éphémères. Dans sa vie remplie de
contradictions, elle cherche en même temps que la liberté et l'autonomie
absolues, l'abandon total à Dieu. Quel Dieu ? Elle le retrouve dans l'islam
ésotérique [2] mais aussi dans les marges et les ténèbres de l'esprit
humain. Le Dieu d'Eberhardt égale tout ce qui touche aux limites du
possible, ce qui tend vers un absolu lointain, que l'on saisit dans de brefs
moments d'extase et de transcendance.
Eberhardt a besoin d'écrire, de raconter ses
expériences, d'élaborer ses contradictions et ses confusions intérieures,
mais aussi d'agir dans le monde. Ce n'est pas assez d'embrasser
l'islam dans sa vie ; elle cherche aussi, à travers
ses écrits, à promouvoir l'islam chez
les Européens. Elle propose ainsi un lien entre l'Occident et l'Orient
qui s'oppose à la domination coloniale. Détournant l'idée
du « white man's burden », Eberhardt voit dans l'islam un
dernier recours pour sauver (civiliser ?) une Europe atteinte d'un
vide cancéreux. Globalement, Eberhardt critique le pouvoir corrupteur de la
civilisation occidentale sur l'Orient. Au niveau personnel, elle
rejette l'Occident, qui ne correspond pas à sa nature portée à la
dévotion. Ce qui motive Eberhardt, c'est une croyance très profonde
en la vie dans ses extrêmes : un désir de tout connaître et tout saisir, vivant
pleinement la condition humaine.
En contemplant sa mort, Eberhardt écrit qu'elle veut être
enterrée « dans le sable brûlé du désert, loin des banalités profanatrices de
l'Occident envahisseur »[3]. Dès sa jeunesse,
elle rêve de l'Orient, symbole d'un bonheur qui réside dans un
ailleurs lointain. Eberhardt voit dans le colonialisme une médiocrité moderne
de l'Europe qui piétine un Orient caractérisé autant par sa quête
spirituelle de l'absolu
que par sa volupté sacrée. L'Europe,
par contre, est un continent que [...J les hommes sont en
train de transformer en une vaste usine, avant d'en faire une terre
de désespoir [...] [4]. Dieu est remplacé par la machine ;
beauté et transcendance sont éclipsées par la quête de profit et d'efficacité.
Notes
[1] Ibid., p. 12, présentation.
[2] islam ésotérique, appelé également
soufisme, existe depuis le début de l'islam. Il est considéré comme le noyau caché de
l'islam, destiné aux initiés. Puisque seule existe l'unité divine,
ces initiés, se jugeant eux-mêmes en Dieu, peuvent même être acquittés des
devoirs de l'islam exotérique destiné aux masses.
[3] Isabelle Eberhardt, Notes de route :
Maroc-Algérie-Tunisie, Actes Sud, 1998, p. 94.
[4] Isabelle Eberhardt, Rakhil: roman inédit, présenté par
Danièle Masse, La Boire à Documents, p. 27. Ce livre comprend deux versions du roman.
Cette citation vient de la première version, de l’autofiction, dans laquelle le
protagoniste, Mahmoud, est manifestement Eberhardt/Mahmoud Saadi.
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