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Les voies insolites de l’initiation soufie de Mahmoud Saadi / Isabelle Eberhardt                                                                         [ 3 / 16  ]
 
L’appel du muezzin

   Ce n’est pas à l’intérieur d’une mosquée, ni lors de la lecture du Coran ou même au cours d’une discussion avec des musulmans que prend forme l’attrait pour l’islam dans les récits d’Eberhardt. Autrement dit, ce n’est pas par le biais du discours, de la doctrine, de la méditation sur le sens de la spiritualité que celle-ci est appréhendée en premier lieu. Cet «appel» se manifeste d’abord et avant tout au-dehors, sous une forme chantée, tel un écho qui se propage dans l’espace, grâce à une voix qui se découpe dans le silence de l’aube, dont les inflexions harmonieuses rejoignent les sons de la nature environnante:

   Aussitôt, comme en rêve encore, lentement, sur un air très triste et très doux, il commença son appel.
   Sa voix jeune et parfaitement modulée semblait descendre de très haut, planer dans le silence de la ville assoupie.[…] De loin, d’autres voix lui répondirent, tandis que dans un jardin voisin, des oiseaux se réveillaient et commençaient, eux aussi, leur hymne d’action de grâces à la Source de toutes les vies et de toutes les lumières. (p. 34)
    Réveillée par l’appel à la prière du muezzin, la narratrice passe du rêve au chant qui s’intègre parfaitement à la marche de l’univers. Aspirant au calme, au repos, après les tourments connus en ville, elle trouve dans cette simplicité des bienfaits inestimables  : «Cette vie et ce calme interrompu parfois par le chant mystérieux me plongent dans une mélancolie douce. Je m’abandonne entièrement au repos de l’âme enfin trouvé.» (p. 36) C’est en cheminant dehors, d’un village à un autre, en observant les allées et venues, les cortèges funèbres, les paysages chamarrés de l’aube ou du maghreb, qu’elle perçoit «l’âme» de l’islam, toujours associée dans ses écrits à la paix :
    Je me souviens aussi de la paix profonde, infinie, qui était descendue dans mon âme, ce soir-là, tandis que je traversais les villages maraboutiques d’Elbeyada et d’Elakbab, inondés des derniers rayons du couchant… Et cependant, en quelle angoisse, en quelles circonstances cruelles j’étais venue là ! Mais est-ce que toutes ces matérialités, toutes ces misères éphémères, touchent les âmes des initiés ? On peut, à certaines heures bénies, faire abstraction de toutes les circonstances douloureuses et se livrer à d’autres impressions, celles que nous portons en nous et celles qui nous viennent de l’Inconnu, à travers le prisme sublime du vaste Univers ! (p. 107)

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