AVANT-PROPOS des
Cahiers du Sielec n°3
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Faits religieux et résistances culturelles dans les
littératures de l’ère coloniale
Cela fait question parce que nombre de ces sociétés précoloniales,
au moment où l'Occident tente de les annexer, vivent une relation
très forte avec le Sacré. C'est donc à partir de cette relation même
qu'elles vont élaborer des stratégies de résistance, tentant de
répondre ainsi à ce qui est souvent vécu comme l'intrusion de la
magie du Blanc par l'invention d'une contre-magie. Il faut indéniablement fournir un certain effort historique pour pouvoir mieux appréhender
ce que la conquête des esprits a pu représenter comme traumatisme pour les
peuples qui devaient la subir, ce que Nathan Watchel nous a fort bien décrit
dans sa Vision
des Vaincus.
Mais il va sans dire (les traces en abondent dans ce
numéro) que cette résistance va prendre des formes multiples, selon la période
historique concernée, mais aussi les aires culturelles où elle se manifeste.
En effet, chacune de ces sociétés réagit aux diverses formes de colonisation
mentale à partir de ses propres structures symboliques et logiques sociales. On
assiste de la sorte à une mobilisation de toutes les ressources et richesses
culturelles de sociétés que bouleverse la pénétration, plus ou moins rapide et
acceptée, du monde extérieur. Mais ce qui rend le problème encore plus
complexe, c'est que si toutes ces sociétés pré et postcoloniales
réagissent à cette arrivée de l'Europe à partir de leurs systèmes sacrés, il se
trouve que ceux-ci ne sont pas les mêmes, ni dans le temps ni dans l'espace. En
outre, au fil des ans, ces systèmes sacrés se transforment en profondeur pour
tente rd'élaborer et de mettre en place une réponse adaptative qui
leur permettra de régler leurs comptes avec l'Occident, non
seulement ici et maintenant (ce qui peut déboucher sur un recours aux armes)
mais aussi, et cela est important, dans un au-delà messianique. En ce cas, la
prophétie millénariste joue un rôle central.