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AVANT-PROPOS  des Cahiers du Sielec n°5                                       [2/11]

- elle a projeté sur le passé les catégories et les reclassements du présent, même quand elles ne faisaient pas toujours sens (ainsi, l’invention a posteriori de la littérature judéo-maghrébine ou l’« algérianisation » a posteriori des écrivains convertis à l’islam,  même si un Etienne Dinet avait toujours su ménager le meilleur rapport avec le pouvoir colonial[1]).
 - la distinction réductrice entre auteurs coloniaux et auteurs nationaux, entre littérature coloniale et littérature nationale a gommé les nuances internes propres à l’une comme à l’autre et accentué des frontières parfois très brouillées entre les deux[2].
 - la catégorisation ethno-confessionnelle a eu aussi pour effet de négliger la diversité du rapport des écrivains au conflit colonial et a sous-estimé le rôle joué par les écrivains dits de « bonne volonté », qui rêvaient à une réconciliation des colonisateurs et des colonisés et/ou à un dépassement du rapport colonial. Plus encore, elle n’a pas favorisé l’attention aux postures et aux critiques anti-coloniales de certains auteurs, plus ou moins conscientes (quand le roman échappe à son auteur) et formulées avec plus ou moins d’acuité[3]. On n’a pas non plus assez porté d’attention à la diversité des registres : un discours misérabiliste sur le sort des Musulmans d’Algérie n’est pas la même chose qu’un discours critique sur le rapport colonial.
 
   Aujourd’hui, le problème n’est pas bien sûr de dénoncer les écrivains colonialistes ou de délivrer a posteriori des brevets d’anticolonialisme. Ce serait sans portée pratique ou théorique.

   Notre intérêt pour la littérature de cette époque réside dans ce qu’elle nous apprend sur la société du temps colonial; avec quelle lucidité elle a saisi (avec les outils propres à la littérature) le colonisé dans sa réalité, souvent inséparable de la relation avec le colonisateur (la seule exception connue, Sahara de Diego Brosset, confirme la règle). Le regard sur l’autre est toujours pris dans une relation subjective. C’est donc moins « l’image » du colonisé qui importe que la place qui lui est assignée dans le rapport colonial par des témoins et des interprètes de ce rapport, membres de la minorité dominante[4].
  Dans ce type de lecture, les catégorisations nationales et ethno-confessionnelles sont moins déterminantes que la posture d’écriture des auteurs et les conditions intellectuelles et matérielles de production des œuvres.


[1] Cf. F. Pouillon, Les deux vies de Etienne Dinet, Balard,
[2] Cf. Littératures et temps colonial. Métamorphoses d’un regard sur la Méditerranée et l’Afrique (dir. J.R. Henry et L. Martini), Edisud, 1999 ; notamment, la partie « Des frontières introuvables ». Cf. aussi Ahmed Lanasri qui, dans son étude sur La littérature algérienne de l’entre-deux guerres. Genèse et fonctionnement (Publisud, 1995), refuse d’isoler les premiers écrivains algériens musulmans du milieu littéraire dans lequel ils ont publié.
[3] La question de l’anticolonialisme de certains romans coloniaux a été posée depuis que Claude Farrère a reçu en 1905 le prix Goncourt pour son roman Les civilisés, qui dresse un tableau décapant du milieu colonial indochinois. Cf. « Roman colonial et anticolonialisme. Saïgon 1000. Au temps des Civilisés de Claude Farrère », par Alain Quella-Villéger, in Question coloniale et écriture, N° 14 des Cahiers de l’exotisme, 2° semestre 1994.
[4] Nous avons privilégié cette approche dans Littératures et temps colonial : Métamorphoses du regard sur la Méditerranée et sur l’Afrique et l’avions explorée beaucoup plus anciennement dans Roman colonial et idéologie coloniale en Algérie. Cf. aussi les remarques très pertinentes de Robert Delavignette dans son essai romancé.
 
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