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Présentation de la société
Les littératures de l'ere coloniale
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Elissa Rhais
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Les noms cités sont connus et la dédicace
joue ici parfaitement son rôle. Le ton est donné par l'opposition entre ici
et là-bas cet ailleurs merveilleux pouvant faire naître les rêves les plus
fous et les plus harmonieux d'un Orient reconstitué pour cadrer avec les
fantasmes du lectorat.
Petite sœur: la solidarité féminine joue ici à fond,
avec cependant comme l'indique l'adjectif une certaine condescendance
bienveillante.
Arabe par le charme, la description sera on ne peut plus
lyrique et exaltée, peuplée de princes arabes drapés dans des burnous de soie,
sur fond de nuit chaude et parfumée que l'on va retrouver dans les
descriptions.
Les descriptions
Les textes sont très descriptifs,
l'intention de l'auteur étant de restituer voire de construire cet
ailleurs mystérieux au-delà des références habituelles. Elle s'inscrit dans ce
système de représentations. Le monde offert aux lecteurs est celui des Mille
et une Nuits. Voici comment est décrit Le Café chantant:
Puis tout au fond de la salle, sous un flot
de lumière rose, une petite scène se dressait, dans un chatoiement d'or et de
soieries tunisiennes, dans la splendeur fascinante des Mille et Une Nuits.
C'était le madar. Là, sur un fond de broché grenat, le long d'un matelas jaune
miel, s'alignait le petit orchestre oriental.(…) Tous quatre(Les musiciens)
étaient vêtus de velours bleu brodé d'argent(…)Enfin, accoudées à des coussins
de soie, les chanteuses mauresques, au nombre de six, s'alanguissaient en des
poses nonchalantes. Elles étaient comme ensevelies sous une orgie de satin, de
rubans, de dentelles et de bijoux. (…) Leurs costumes vaporeux, de mousseline à
paillettes et rayures de soie tendre, laissaient transparaître en lueurs
furtives les chairs mates , les formes ondoyantes et somptueuses.(…)
L'air était embaumé, tout lourd d'ivresse et
de désirs. Une atmosphère de surexcitation sensuelle vibrait autour des
assistants dont les visages se crispaient en des frénésies contenues, dont les
regards s'allumaient pour des griseries folles.(La café chantant, pp.36-37)
Nous retrouvons là les descriptions des
tableaux de Delacroix et de ses courtisanes alanguies sur des coussins de soie
avec ses constantes, luxe et volupté .
On
trouve pourtant comme des accrocs à ce beau rêve des poncifs de l'idéologie
coloniale comme si l'auteur y cédait à son corps défendant pour répondre à
l'attente de son public. Ainsi dans le Café chantant:
La sensibilité est ainsi aiguisée de façon
extraordinaire chez l'Arabe, en matière d'émotion musicale. Plus primitif que
l'Européen, il vit beaucoup plus par le sentiment, par les passions et la
musique est entre ses passions les plus fortes. ( p 46)
Dans
ce monde de houris les femmes devraient se contenter d'être belles et de
satisfaire les désirs des hommes et pourtant, et c'est là le premier aspect
étonnant dans l'œuvre d'Elissa Rhais, il n'en est rien ."Que la femme soit
toujours victime de l'ordre social tel qu'il est, Elissa Rhais le montre dans
tous les milieux qu'elle dépeint, musulman, juif ou français."" écrit
Denise Brahimi dans la préface de Le
café chantant(p. 10). Mais dans le milieu des autochtones, arabes, kabyles,
algériens ou marocains, ce n'est pas une femme soumise mais bien au contraire,
pauvre ou riche, fille de pacha ou danseuse de café, c'est une héroïne moderne qui sacrifie tout à ses
buts. En contrepoint à ces descriptions conformes à ce que recherchent les
nostalgiques de cet Orient de pacotille, deux points sont à porter à l'actif
d'Elissa Rhais: les personnages de
femmes et l'aspect documentaire.
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