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Les Terrasses de Tombouctou, ou La ville dans le désert :
L’imaginaire chez Robert Randau                                                             [3 /11]


   Cette ville du titre, dont rêve le héros et qu’il finit par atteindre, Agadem, ville imaginaire des confins du désert, est déjà, d’une certaine manière, Tombouctou. Elle est à la fois la cité de l’Islam combattant et le souvenir d’une ancienne civilisation aux origines carthaginoises. Le parallèle que l’auteur effectue entre l’un de ses personnages, le capitaine Campion, et le lieutenant Chevigné, mort en 1897 dans les environs de Tombouctou, renforce la ressemblance que souligne dans sa critique littéraire Rachilde, quand elle écrit : « Qu’est-ce que la ville inconnue ? C’est en réalité la mort, dernière étape du soldat... C’est aussi, pour les arabes fanatiques, la fameuse Agadem ( un temps ce fut Tombouctou la mystérieuse ), la capitale sacrée de l’Islam, ville de plaisirs et réceptacles de tous les trésors »1.
   Notre Carthage , qui reprend ce thème, inspiré par la lecture de Maurice Delafosse avec qui Paul Adam échangeait une correspondance régulière, d’une civilisation méditerranéenne qui aurait essaimé jusqu’en Afrique noire, sur les rives du Niger et dont on retrouve les signes dans les villes, Djenné ou Tombouctou, n’a pu paraître qu’en 1922, après la mort de l’auteur, mais des extraits avaient été publiés dès 1913 dans la Revue des deux mondes.
   Tombouctou apparaît à Paul Adam comme une ville austère, marquée par son histoire: « Ici la joie de l’Afrique s’est tue. Ce visage mural du Sahara porte le deuil d’une histoire continûment tragique. Il n’est que du silence dans la lumière souveraine ».2. René Caillié devant la ville du désert écrivait : « tout est triste dans la nature ; le plus grand silence y règne; on n’entend pas le chant d’un seul oiseau »3.
   Si l’on trouve chez Félix Dubois et Paul Adam une même perception de la ville qu’ils découvrent, partageant les impressions rapportées quelques décennies plus tôt par René Caillié, qu’en est-il de Robert Randau ? Celui-ci connaissait Paul Adam qui encourageait sa carrière d’écrivain. Les deux hommes s’étaient rencontrés en Afrique. D’après Roland Lebel, on retrouve dans L’Aventure sur le Niger, paru en 1913 chez E. Sansot, un écho du voyage de 1912. Le lien sentimental qui se noue entre la femme de l’écrivain, Hélène Cassard, et l’explorateur Carbon de Carbone serait une transposition de la réalité. Ce qui est certain, c’est que tous deux partageaient une même idéologie et croyaient à la nécessité, pour la grandeur de la France, de poursuivre l’œuvre coloniale (ce qui, chez eux, comprenait la compréhension des populations soumises, dont ils préconisaient la reconnaissance dans leurs cultures propres, voire même l’intégration) et avaient les mêmes amis, ainsi Louis Bertrand.
    C’est à ce dernier que Robert Randau écrit cet envoi sur la page de garde du livre (dans son édition de 1933), qu’il lui adresse :
« Au maître exemplaire de la littérature coloniale, Louis Bertrand, qui est aussi l’ami le plus indulgent, j’offre en hommage cette fantaisie de pantagruélisme. Nietzsche et Freud y trouveraient à glaner et sans doute aussi l’ethnographe. »
   Le mot de pantagruélisme est une première indication mais aussi la référence à Freud.
___
1 « La Ville inconnue : compte-rendu » par Rachilde in : Mercure de France, vol. 93, 1911, p. 376-378.
2 Adam P., Notre Carthage, p. 325
3 Caillie R., op. cit., p. 212.
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